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Dominion : l’examen de l’affaire fut remis à une commission arbitrale, qui décida que les États-Unis paieraient au Canada une indemnité pour le préjudice éprouvé pendant les années où les pêcheurs américains avaient exercé sans droit leur industrie dans les eaux anglaises, et une redevance annuelle pour que ces pêcheurs pussent continuer à le faire.

Cet arrangement, qui n’était conclu que pour un certain nombre d’années, avec faculté de renouvellement, fut vivement combattu au sein du congrès par M. Blaine et ses amis ; ce fut à grand’peine que le gouvernement fit inscrire au budget le crédit nécessaire au paiement de l’indemnité. Renvoyé au sénat par ses concitoyens du Maine, M. Blaine a combattu, tous les ans, le vote de la redevance stipulée, et, dans la session de 1883-84, il est parvenu à faire imposer au président Arthur l’obligation de dénoncer la convention des pêcheries qui prendra fin, par conséquent, en 1886. Il annonçait hautement que, s’il était élu président, il contraindrait l’Angleterre à reconnaître aux pêcheurs américains le droit illimité de pêcher dans les eaux anglaises, la mer étant le domaine commun de toutes les nations, et personne ne pouvant s’en approprier une partie. Comment le nouveau président, M. Cleveland, envisagera-t-il cette question, et quelle attitude ses ministres prendront-ils dans les négociations qui sont devenues inévitables ? Les démocrates n’ont la majorité que dans une seule des deux chambres du congrès. Pourront-ils et voudront-ils se montrer moins soucieux que leurs adversaires des intérêts des états dont la pêche est la principale industrie ? Ne chercheront-ils pas à se donner dans ces états un regain de popularité aux dépens de l’Angleterre ? Le cabinet anglais se trouverait alors placé entre les menaces des États-Unis et les énergiques revendications du gouvernement canadien. La question ne saurait tarder à être soulevée, car la chambre de commerce d’Halifax vient de rappeler aux autorités canadiennes, dans une délibération fortement motivée, la nécessité de ne point différer l’ouverture de négociations, soit pour renouveler le traité qui va expirer, soit pour en conclure un autre.

Il est une autre question qui a été soulevée par le cabinet du président Arthur et qui n’est que momentanément assoupie. Il y a trente-cinq ans, l’Angleterre, maîtresse de la plupart des Antilles, avait encore une situation prépondérante dans le golfe du Mexique : le commerce des états de l’Amérique centrale était, pour la plus grande partie, dans les mains de ses nationaux ; en outre, il n’était aucun de ces états qui n’eût contracté, à Londres, des emprunts dont les titres étaient possédés par des capitalistes anglais. L’inexactitude avec laquelle ces emprunts étaient servis et les préjudices