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de plus, la république des Boers ne peut faire de traité qu’avec l’assentiment de l’Angleterre. L’importance de cette note officieuse est dans la reconnaissance explicite par l’Allemagne de l’indépendance du Transvaal et de son protectorat sur le Zoulouland, ce qui exclut la faculté pour l’Angleterre d’y former des établissemens.

Peu de temps après la publication de cette note, M. de Bismarck a fait voter par le Reichrath, avant la séparation de cette assemblée, un traité de commerce et d’amitié entre l’Allemagne et le Transvaal : à peine ce traité était-il ratifié qu’un journal du Transvaal, le Bloemfontein Express, publiait une proclamation du président de la nouvelle république, établie par les Boers dans le pays des Zoulous. Cette proclamation, en date du 30 avril dernier, protestait contre les prétentions élevées par l’Angleterre sur la baie de Santa-Lucia, revendiquait au nom de la nouvelle république, la possession de cette baie, et déclarait Santa-Lucia port franc, ouvert à toutes les nations sans exception. Il y a là le germe d’un nouveau Livre blanc, qui nous apprendra, quelque jour, si les Boers doivent pousser leurs établissemens jusqu’à la mer ou si les Allemands comptent aller au-devant d’eux. A supposer que la côte du Zoulouland soit dépourvue de ports et de rades, rien n’empêche M. de Bismarck, d’arriver à quelque arrangement avec le Portugal, dont le domaine colonial est trop étendu. Par Angra-Pequeña et par Delagoa, c’est-à-dire par les deux côtes de l’Afrique, l’Allemagne va donc tendre la main aux Boers et, avec leur aide, elle s’emparera du commerce de l’Afrique centrale. La France elle-même pourrait avoir part à ces relations fructueuses si, au lieu de s’obstiner à occuper la région empestée qui fait face à Maurice et à la Réunion, elle transportait ses efforts et ses établissemens sur la côte occidentale de Madagascar. Les distances à franchir créeront au commerce du Cap une infériorité qu’il ne pourrait racheter que par l’établissement de voies ferrées et par une fusion de ses intérêts avec ceux des républiques fondées par les Boers : or la première condition de cette fusion, c’est la séparation d’avec l’Angleterre. Les souvenirs du passé, les affinités de race, la communauté des griefs poussent à cette séparation : la toute-puissance des intérêts la consommera.


II

La Russie n’est pas le seul état qui puise dans l’immense étendue de son territoire une force de résistance invincible pour une puissance exclusivement maritime comme l’Angleterre : la confédération américaine est dans le même cas. Sans doute, une flotte