Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 70.djvu/306

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

esclaves et les provisions. Devant et parmi ces bâtimens., des cours spacieuses et mal tenues, où flânent les gens et où vaguent les animaux, cherchant, suivant la saison, tantôt le côté de l’ombre et tantôt celui du soleil. Dans les intérieurs, même mélange d’un certain luxe et d’un laisser-aller qui surprend tout d’abord l’Européen. Des armes de prix, des pipes enrichies de pierres précieuses, des tasses, des cafetières, des bassins d’une forme élégante, et surtout de beaux tapis. Avec cela, partout, de la poussière, des murs tachés, des plafonds que la pluie a percés et salis. Dans des enfoncemens, on voit amoncelées en pile les couvertures, que, le soir venu, les serviteurs étendront sur les divans et sur le plancher, pour eux-mêmes ou pour les hôtes, comme ils le font sans cesse dans l’Odyssée. La vie et les usages de l’Orient moderne fournissent encore, à bien des égards, le meilleur commentaire que l’on puisse offrir d’Homère et de la Bible.

Si du cadre architectural nous passons au costume des personnages, là encore, quand on entre dans le vestiaire des héros et des héroïnes d’Homère, on se sent plus près de Sidon et surtout de Ninive que de l’Athènes de Périclès. Celle-ci, sans doute, n’a jamais pratiqué hors du gymnase cette nudité qu’elle prête aux figures peintes sur ses vases ou sculptées par ses statuaires. Pour les femmes, on n’y acceptait même pas la courte tunique dorienne, qui laissait à découvert les jambes et les bras, qui permettait d’entrevoir la hanche ; dès qu’elle sortait de chez elle, l’Athénienne, avec sa longue tunique et son manteau, était aussi couverte que l’est la Parisienne d’aujourd’hui ; nos toilettes de bal l’auraient peut-être choquée comme immodestes. Quant aux hommes, ce n’était que dans la palestre, lieu fermé, qu’ils se dépouillaient de tout vêtement ; les athlètes seuls paraissaient nus en public, dans les grands jeux, où les femmes n’étaient pas admises comme spectatrices. C’était là une exception qu’autorisait l’usage ; mais, sauf dans ce cas, le citoyen ne se montrait jamais, lui aussi, qu’habillé des pieds à la tête. Dans la frise du Parthénon, la chlamyde, rejetée en arrière, découvre les jeunes et beaux corps des éphèbes ; c’est que l’artiste se proposait là d’offrir au spectateur une représentation idéale de la cité, rendant hommage aux dieux qui la protègent et qui sont descendus au milieu de leur peuple ; il s’est donc élevé au-dessus de la pure copie du réel, et il a saisi cette occasion de mêler à l’ampleur des draperies dont s’enveloppent les femmes et les vieillards l’éternelle noblesse de la forme nue. Quand se rassemblaient dans le Céramique, pour prendre le chemin de l’Acropole, les cavaliers qui ont servi de modèle à Phidias, ils portaient, sous le manteau de guerre, la tunique de laine. On en peut dire autant