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A tant de bonheurs M. Dailiion joint celui d’être un jeune, un élève. Les récompenses qu’il remporte vont lui permettre de parcourir l’Italie ou la Grèce à la recherche d’aussi nobles modèles. Nous souhaitons vivement au jeune sculpteur de rencontrer dans ses excursions une muse, voyageuse, elle aussi, avec laquelle il fera bien de se lier : c’est l’imagination. En même temps que son Réveil d’Adam, il expose, en effet, un groupe important auquel manque la personnalité aussi bien que l’invention.

M. Thomas est un maître, au contraire, depuis longtemps habitué à penser par lui-même et à bien dire ce qu’il pense. Il expose une figure noble destinée à décorer l’entrée du musée que Mme de Galliera fait construire à Paris.. La figure, drapée à l’antique, a été taillée dans le marbre avec beaucoup de grandeur à la fois et beaucoup de grâce. Elle est une personnification de l’architecture et pourrait s’étonner, achevée comme elle est et prête à prendre sa place dans le musée, que les architectes, ses adeptes, la fassent aussi longtemps attendre pour terminer le palais qui doit lui donner asile.

Où iront la Galatée exquise de M. Marqueste, encore une fois rendue à la vie dans un marbre délicat ? La Jeunesse de M. Antonin Carlès, à laquelle le marbre a ajouté encore des grâces nouvelles, des fleurs inattendues ? Nous l’ignorons : comme les livres, les statues ont leurs destinées ; où qu’elles aillent, ces statues élégantes apporteront une note d’art très savante et très raffinée. Mais faudra-t-il attendre que le marbre leur ait donné leur forme définitive pour citer tout au moins le groupe plein de promesses de M. Mengui, David ? le Gui d’Arezzo si touchant et si simple de M. Pech, et ce Héraut d’armes, si exact et si personnel, modelé par M. Eugène Guilbert pour l’Hôtel de Ville de Paris, avec la science d’un vieux praticien unie à la maestria fougueuse et sûre d’elle-même d’un jeune maître ? Non certes, nous n’aurons garde d’oublier ces ouvrages intéressons et nous nous excuserions plus volontiers d’en passer sous silence quelques-uns qui auraient mérité un examen plus approfondi et qu’il eût été impossible de nommer sans s’y arrêter, comme la Cirée de M. Delaplanche, la Diane de M. Falguière, la statue d’Edgard Quinet de M. Aimé Millet.

En somme, nos sculpteurs ont, cette année encore, noblement pratiqué leur noble métier. Ils se sont honorés en honorant la sculpture. La sculpture, art difficile, art restreint, qui n’a pour lui ni. les papillotemens des couleurs, ni les artifices de la composition, ni le rendu, ni ces savons escamotages qui faisaient jadis dire par Boucher à un jeune peintre : « Viens chez moi ; seul je puis t’apprendre à casser une jambe avec grâce, » — art sévère qui