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italienne comme MM. Chapu et Mercié. Nous avons à nous préoccuper des modernes qui ne procèdent pas directement de la tradition française. Mais à quelle source ont puisé, grand Dieu ! ces aimables diseurs d’inutiles paroles ? Quelles sont leurs traditions et leurs croyances ? Leurs œuvres ne nous éclairent pas sur cette grave question, d’autant moins que, quand ils s’égarent dans l’anecdote, ils se gardent bien d’en faire l’aveu. Les titres curieux qu’ils choisissent sont faits pour nous dérouter. M. Paris expose un groupe qu’il intitule : le Temps et la Chanson. C’est une jeune fille sans distinction qui, dans un carrefour, a fait la rencontre d’un vieillard orné d’attributs divers. Elle chante et, pour mieux l’entendre, le vieillard séduit a déposé sa faux. Voilà la vie universelle arrêtée pour que le Temps puisse écouter à son aise un refrain chanté à plein gosier et qui paraît être un air de café-concert. Et c’est pour cela qu’ont été fouillés les flancs du Pentélique ! Pour comble de malheur, le travail est remarquable. L’exécution aisée désarme la critique.

Que M. Fagel y prenne garde aussi ; certes, il ne manque ni de conviction, ni de force, ni de talent, mais il a beau appeler son groupe Alma parens, la femme qu’il nous présente allaitant son enfant ne nous semble pas tout à fait étrangère à l’anecdote. Combien de sculpteurs lui ont prêté une oreille trop attentive hélas ! et l’auteur des Premiers Pas, et l’auteur du Premier Baiser, et les inventeurs de sujets variés, dont les titres naïfs cette fois découvrent la tendance ou marquent la portée, mais qu’il ne conviendrait de citer ici que si les artistes qui se sont laissés aller à les traiter pouvaient invoquer la circonstance aggravante du talent !

Après avoir pour la forme, et pour remplir consciencieusement notre mandat, jeté les yeux sur les sculptures anecdotiques et sur les faits-divers en marbre ou en plâtre qui encombrent le Salon, il faut en venir à une école discutable, sérieuse, nouvelle, que représentent avec éclat MM. Dalou, Aube, Falguière et leurs amis. Les œuvres de M. Dalou sont peut-être celles qui, dans ces dernières années, ont le plus passionné le public ; celles qu’on a critiquées avec le plus de violence ; celles qu’on a louées avec le plus d’enthousiasme. Elles prêtent également, en effet, à la louange et à la critique. M. Dalou a des défauts ; il a, en revanche, des qualités superbes, une fougue, un esprit, une originalité et quelquefois une puissance d’exécution qui le mettent au niveau des plus grands sculpteurs de notre temps.

M. Dalou a tenté de ramener les vieilles traditions de l’art purement français. Il ne se réclame ni des Romains ni même des Grecs. Ce n’est ni à Athènes ni en Italie qu’il va chercher ses modèles, et nous sommes sûrs que si on l’interrogeait, il répondrait qu’il