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exiguës attribuées aux ouvriers mineurs, et on peut dire qu’en France il ne dépend que des agens, commissionnés ou non, employés dans les chemins de fer, d’assurer l’avenir de leur vieillesse, et dans des conditions beaucoup plus favorables qu’en tout autre pays. C’est ce qui ressort, en particulier, d’un travail très intéressant de M. Eddy sur la situation comparative des employés de chemins de fer en France et en Angleterre.

Les six grandes compagnies de chemins de fer dont je viens de parler ne sont pas les seules qui assurent à leurs employés des avantages semblables. La compagnie des chemins de fer de l’état, celle de l’Est algérien, la compagnie générale des eaux, celle du gaz, les grandes compagnies d’assurances, enfin une foule de sociétés industrielles ou d’usines privées, dont je ne veux citer aucune, ne pouvant les citer toutes, ont établi d’après ce même principe des caisses qui assurent d’une façon satisfaisante la vieillesse de leurs ouvriers, et, si j’insiste sur ce point, c’est pour montrer combien on est injuste envers notre temps et notre pays quand on ne veut tenir aucun compte de ces efforts et de ces résultats. Mais le principe sur lequel sont fondées toutes ces institutions, quel est-il ? C’est, ne l’oublions pas, la combinaison de la prévoyance et de la libéralité. Si l’une ou l’autre faisait défaut, on n’arriverait pas à des résultats aussi satisfaisans. En veut-on la preuve ? Qu’on déduise du montant de ces pensions que j’ai données tout à l’heure, soit la quotité proportionnelle aux versemens des agens, soit le complément dû à la libéralité de la compagnie, et l’on retombera tout de suite à des chiffres à peine suffisans pour satisfaire aux besoins indispensables de l’existence. De tout f ensemble de cette étude se dégage donc une conclusion : c’est que, pour résoudre cette question, difficile entre toutes, de l’avenir du travailleur et pour assurer sa vieillesse, il ne suffit, en règle générale et sauf exception, ni de cette vertu privée qui s’appelle l’économie, ni de cette vertu sociale qui s’appelle (car il est temps de se servir du mot propre) la charité. Il faut que l’une et l’autre joignent leurs efforts et contractent alliance : le succès même partiel du combat contre la misère est à ce prix. Avant de reprendre et de développer cette conclusion d’une façon plus générale, il nous faut cependant chercher encore ce qu’on peut demander à ces modes nouveaux de rémunération, ou d’organisation du travail qu’on appelle la participation aux bénéfices et la coopération. Ce sera l’objet d’une prochaine et dernière étude.


Cte D’HAUSSONVILLE.