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libéralité[1]. Ce serait avoir l’enthousiasme facile de dire qu’ils soient très brillans. Tels qu’ils sont, cependant, ils font honneur à notre pays par rapport à certains pays étrangers où les caisses de secours et de retraites sont cependant obligatoires. En Belgique, par exemple, la dépense moyenne que s’imposent les exploitans, par tête d’ouvriers, n’est que de 33 francs, tandis qu’en France elle varie, ainsi que nous venons de le voir, de 42 à 50 francs, suivant le mode d’organisation des caisses. L’initiative privée et la liberté sont donc arrivés ici à des résultats dépassant ceux de l’obligation légale, et je ne suis pas de ceux qui s’en étonnent ni qui s’en affligent. Nous allons même nous trouver en présence de résultats plus complètement satisfaisans en étudiant la condition des employés de chemins de fer.

Le système adopté par les six grandes compagnies de chemins de fer français pour assurer l’avenir de leurs agens varie avec chaque compagnie. D’importantes modifications, et toujours dans un esprit de plus en plus favorable aux ouvriers, ont même été successivement apportées par chacune de ces compagnies à leurs règlemens intérieurs. Mais toute cette organisation repose cependant sur un principe commun, l’alliance de la prévoyance et de la libéralité. D’une part, en effet, les retenues exercées sur le traitement sont obligatoires pour tous les agens commissionnés[2] ; et, d’autre part, la compagnie intervient, dans une proportion plus ou moins considérable, pour parfaire la pension que ses propres versemens assureraient à chaque agent. Au premier abord, il peut sembler que la compagnie d’Orléans suive un système différent, car elle n’opère pas de retenues sur le traitement de ses agens, et c’est au moyen d’un prélèvement opéré sur ses bénéfices qu’elle assure leurs pensions de retraite. Mais comme, d’une part, ce prélèvement opéré par la compagnie sur ses bénéfices au profit de ses agens a le caractère d’une libéralité, et que, d’autre part, au lieu de remettre en espèces à chaque agent la part qui lui revient, elle place d’office cette part en son nom, c’est bien, sous une forme différente, l’application du même principe. Quant aux détails, les dispositions varient avec le règlement adopté par chaque compagnie. La contribution de la compagnie est tantôt égale à la retenue exercée sur le traitement de l’agent, tantôt supérieure.

  1. Il faut également tenir compte des subventions indirectes qu’un certain nombre de compagnies accordent à leurs ouvriers sous forme d’allocations de chauffage et de loyers réduits ou gratuits, qui viennent améliorer le salaire ou la retraite.
  2. Pour les agens non commissionnés, le versement n’est pas obligatoire, mais à tous ceux d’entre eux qui acceptent une retenue sur leurs salaires, les compagnies assurent les mêmes avantages qu’aux agens commissionnés.