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célébration, tombent les diverses fables imaginées sur le mariage de Molière. La présence de Jean Poquelin et de André Boudet aux deux cérémonies prouve d’abord que l’union projetée ne rencontra pas, dans la famille du poète, les résistances dont on a parlé, ou, s’il y eut des difficultés, qu’elles n’empêchèrent pas un accord final. Quant à l’origine d’Armande, elle est aussi nettement spécifiée que possible : deux fois la jeune femme est dite fille de Joseph Béjart et de Marie Hervé. Or si, alors comme aujourd’hui, les notaires se montraient fort accommodans et inscrivaient de bonne grâce les noms et titres qu’on voulait ; en revanche, pas plus alors qu’aujourd’hui, un mariage ne pouvait être célébré à l’église sans la production de l’acte de baptême des époux. L’âge de Marie Hervé, se donnant, à soixante-sept ans, comme mère d’une fille de vingt, était pour éveiller l’attention, et, certainement, le clergé de Saint-Germain-l’Auxerrois ne se contenta pas d’une simple déclaration verbale. Enfin, rien ne tient moins que cette autre hypothèse d’après laquelle Molière, en raison de l’état civil douteux de sa femme et pour éviter le bruit, se serait marié un mardi gras, jour où les églises sont désertes, à dix heures du soir, en présence de rares témoins, et après dispense de deux bans obtenue par grâce spéciale. D’abord, le 20 février 1622 n’était pas un mardi, mais un lundi, lendemain du premier dimanche de carême ; l’église n’était pas déserte ce jour-là ; il y eut sept autres mariages avec celui de Molière ; ce mariage n’eut pas lieu à dix heures du soir, mais entre neuf et dix heures du matin, car il est le premier inscrit de la série des huit ; quant à la dispense de doux bans, elle était d’usage comme elle l’est encore : on la demandait et on l’accordait couramment. Enfin, les mots et autres, qui suivent la mention des témoins, prouvent que ces derniers n’étaient pas les seuls assistans et permettent de supposer un cortège d’amis aussi nombreux que l’on voudra. Un passage du registre de La Grange donne à croire que le mardi précédent, au sortir d’une représentation « en visite » chez M. d’Équevilly, Molière avait officiellement annoncé son mariage à ses camarades assemblés. Rencontre piquante : c’était l’École des maris que la troupe donnait ce jour-là. Les encourageantes répliques de Léonor sonnaient encore à son oreille, lorsque au dénoûment pour rire de la comédie, il faisait succéder ce prologue d’une pièce vraie, autrement sérieuse, et qui devait tourner au drame.


II

Pas plus d’Armande Béjart que de Madeleine, il ne nous reste de portrait peint ou gravé d’une authenticité certaine. En