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vêtemens, en bijoux, en argent, en armes et en objets mobiliers de différente nature. Il en est de même dans les family-communities de l’Iinde.

Au fond de la cour s’élève la grange, qui est aussi « le grenier d’abondance. » Tout autour, à l’intérieur, sont disposés des réservoirs en bois, remplis de grains : froment, maïis et avoine. Nous approchons du moment de la récolte, et ils sont encore plus qu’à moitié pleins. La zadruga est prévoyante comme la fourmi ; elle tient à avoir une réserve de provisions pour au moins une année, en prévision d’une mauvaise récolte ou d’une incursion de l’ennemi. A côté, dans un bâtiment isolé, sont réunis des pressoirs et des fûts pour faire le vin et l’eau-de-vie de prunes. Le starechina nous montre avec satisfaction toute une rangée de tonneaux pleins de slivovitza qu’on laisse vieillir avant de les vendre. C’est le capital-épargne de la communauté.

Je m’étonne de n’apercevoir ni grandes étables, ni bétail, ni fumier. On m’explique qu’ils se trouvent dans des bâtimens placés au milieu des champs cultivés. C’est un usage que j’avais déjà remarqué en Hongrie, dans les grandes exploitations. Il est excellent ; on évite ainsi le transport des fourrages et du fumier. Les animaux de trait sont sur place pour exécuter les labours et pour y accumuler l’engrais. En même temps, la famille, résidant dans le village, jouit des avantages de la vie sociale. Les jeunes gens se relaient pour soigner le bétail. Dans une autre zadruga que nous visitons, je trouve les mêmes dispositions, les mêmes costumes et le même bien-être ; mais la réception est encore plus brillante : tandis que nous prenons un verre de vin avec le starechina, en présence de toute la nombreuse famille debout, les habitans du village se sont groupés devant les fenêtres ouvertes. Le maître d’école s’avance et adresse un discours à l’évêque en croate, mais il parle aussi facilement l’italien, et il me raconte qu’étant soldat, il a résidé en Lombardie et qu’il s’est battu à Custozza en 1866. Il me vante avec l’éloquence la plus convaincue les avantages de la zadruga. A ma demande, les jeunes filles chantent quelques chants nationaux. Elles paraissent gaies ; leurs traits sont fins ; plusieurs sont jolies. En somme, la race est belle. Les cheveux noirs, si fréquens en Hongrie, sont très rares ici ; on en voit de blonds, mais le châtain domine. Les deux types très marqués, noir et blond, se trouvent à la fois chez les Slaves occidentaux et méridionaux. Les Slovaques de la Hongrie sont, en majorité, blond-filasse. Les Monténégrins ont les cheveux très foncés. A une grande foire à Carlstadt, en Croatie, j’ai vu des paysans venant des districts méridionaux de la province et appartenant au rite grec orthodoxe ; ils avaient d’une