Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 69.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et du Bassigny en général et de la châtellenie de Vaucouleurs en particulier, vers le milieu de 1425, au moment où la Pucelle venait d’atteindre sa treizième année. De 1425 à 1429, cette situation ne fit encore que s’aggraver. Malheureusement, l’exposé même succinct des faits que nous pourrions produire à l’appui de notre assertion nous entraînerait trop loin, et force nous est de choisir, entre mille autres, deux épisodes dont nous nous proposons de parler avec quelque détail. Le premier de ces épisodes offre d’autant plus d’intérêt au point de vue où nous nous plaçons ici qu’il concerne le village natal de Jeanne ; il était resté jusqu’à ce jour complètement inconnu, et c’est un heureux hasard qui, dès le début de nos recherches commencées en 1878, nous a fait découvrir aux Archives nationales, dans les registres du Trésor des Chartes, le document où on le trouve relaté. Il s’agit, dans ce document, d’une remise de peine ou « rémission, » comme on disait alors, octroyée par le roi Charles VII à un certain Barthélémy de Clefmont au sujet du meurtre d’un chef de bande anglo-bourguignon qui avait enlevé le bétail de deux villages de la châtellenie de Vaucouleurs ; or ces deux villages sont précisément Greux et Domremy. L’acte est daté de juillet 1455 ; mais la pillerie et aussi le meurtre qui en aurait été la conséquence et qui avait, dans tous les cas, motivé les poursuites, remontaient, suivant la remarque du rédacteur, à trente années auparavant. Il est certain, comme nous le montrerons plus loin, que diverses circonstances de la narration, rapprochées de plusieurs documens relatifs au chef de bande tué par Barthélémy de Clefmont, ne permettent pas de placer l’incident dont il s’agit à une date autre que 1425.

Nous croyons qu’on nous saura gré de mettre sous les yeux du lecteur un texte aussi précieux ; nous n’y avons rien changé, saut l’orthographe, que nous avons rajeunie et rapprochée du français moderne. « Et une fois entre les autres, ledit suppliant (Barthélémy de Clefmont) étant au service dudit comte de Vaudemont audit lieu de Joinville, vint un messager portant une lettre de par la dame d’Ogéviller, parente de notre dit cousin de Vaudemont, auquel icelle dame, en effet, récrivait en sa dite lettre que aucuns compagnons de guerre avaient couru, pillé et robe deux villages assis sur la rivière de Meuse, appelés Greux et Domremy, appartenant à ladite dame, et en avaient mené tout le bétail et autres biens qu’ils y avaient trouvés et pu prendre, lesquels biens et bétail ils voulaient mener en un château appelé Doulevant, que tenait pour lors Henri d’Orly, dit de Savoie, homme de mauvaise vie, tenant lors plusieurs larrons avec lui faisant maux, meurtres et larcins innombrables par tout le pays, loin et près, là où faire le pouvaient : lequel bétail pris es dits villages, ou partie d’icelui, lesdits larrons et gens