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ce qui l’éloigne d’autant de Hérat. Une ligne serait tirée au nord de Zulficar de l’Hériroud au Mourghab, elle passerait au sud de Penjdeh et au nord de Meruchak ; il ne semble point qu’il y ait de sujets de contestations entre le Mourghab et l’Oxus. On bataillera encore pour un ruisseau ou un salin ; mais la Russie ne fera pas échouer les négociations pour ce qu’elle considère comme des enfantillages de la part du cabinet anglais. Son but est atteint, désormais ; peu lui importe qu’il y ait quelques milles de plus ou de moins entre Hérat et sa propre frontière. Il lui suffira toujours de concentrer un corps de troupes à Merv et surtout à Sarakhs pour exciter les appréhensions du gouvernement anglo-indien et le tenir en échec. Quant à des sujets de querelle, il lui sera toujours facile d’en faire naître. Si la négociation de 1873 n’aboutit pas, c’est que la Russie, en acceptant la responsabilité de la conduite de ses vassaux, les khans de Khiva et de Boukhara, entendait que, de son côté, l’Angleterre imposât à l’émir de l’Afghanistan le respect de la frontière de ses voisins. L’Angleterre recula devant cette responsabilité ; M. Gladstone la déclina formellement, le 23 avril 1873, dans un discours à la chambre des communes, en disant que l’influence de l’Angleterre ne devait s’exercer que « par voie de conseils amicaux. » La Gazette officielle de Saint-Pétersbourg prit immédiatement acte de cette déclaration et fit observer que la Russie ne pouvait garantir l’inviolabilité du territoire afghan, si l’Angleterre ne s’engageait pas à imposer à l’émir de respecter les territoires situés au-delà de l’Oxus. La feuille officielle russe concluait en disant : « Si l’Angleterre a conservé sa liberté d’action, la Russie a également conservé la sienne, et, par conséquent, les deux gouvernemens n’ont contracté, en réalité, aucune obligation incommode et de nature à leur créer une fausse position. En somme, les choses demeurent donc où elles en étaient avant les négociations de 1869 et de 1872, sauf qu’un accord a déterminé les limites de l’Afghanistan (du côté de la Boukharie). A moins de nouveaux arrangemens, la Russie a parfaitement le droit, en cas de troubles sur l’Oxus, de passer le fleuve et de châtier les troupes et les provinces de Shire-Ali. » C’est la crainte de contracter un engagement onéreux qui a toujours fait hésiter le gouvernement anglais, parce que la Russie n’admet point qu’il n’y ait pas réciprocité. En commentant le discours prononcé par un des collègues de M. Gladstone, au sujet de l’incident de Penjdeh, le Nord disait, le 1er mars : « M. Cross a raison d’exprimer sa confiance dans le respect de la Russie pour les engagemens actuels au sujet de l’Afghanistan, qui excluent toute agression contre Hérat, mais ces engagemens sont bilatéraux. En les contractant au nom de l’Afghanistan, le