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royaume d’Oude. Les Gourkas, habitans du Népaul, sont de tempérament belliqueux : les Anglais ont toujours eu à leur service, depuis la rébellion, une brigade de 5,000 Gourkas et ont eu fort à se louer de ces auxiliaires dans la guerre contre la Chine, dans l’expédition d’Abyssinie et dans la guerre contre l’Afghanistan. Cependant, l’attitude indépendante de la petite cour de Khatmandou n’est pas sans leur inspirer quelque défiance. Si fidèle allié qu’il fût des Anglais, Jung Bahadour n’en avait pas moins établi dans le Népaul des fabriques d’armes et une fonderie de canons et il avait formé une armée de 100,000 hommes, la plus nombreuse des armées indigènes, et qui passe en même temps pour la mieux organisée et la plus solide. KIlea été disciplinée et instruite par les officiers et les sous-officiers qui avaient servi dans les troupes anglo-indiennes. A mesure qu’un Gourka quitte le service anglais, il est incorporé dans l’armée indigène et le recrutement pour le compte de l’Angleterre a été interdit, il ne s’opère plus qu’au-delà de la frontière. Enfin, bien qu’un résident anglais séjourne à Khatmandou, aucune facilité n’est donnée aux Anglais pour s’établir dans le pays ou même pour le visiter. Par sa population qui dépasse 3 millions d’âmes, par ses revenus qui sont considérables, par la force de son armée et par sa situation géographique, le Népaul méritait une mention sociale. La défection de cet état, si elle coïncidait avec une rébellion ou une guerre de quelque importance, pourrait causer de graves embarras au gouvernement anglo-indien.

En récapitulant les chiffres qui précèdent, on trouve que les armées des princes indigènes représentent ensemble un effectif d’au moins 3(50,000 hommes avec plus de 4,000 canons. En regard de ces forces dont l’organisation est de date relativement récente et dont on ne soupçonnait peut-être pas l’importance, il convient de placer celles qui sont à la disposition du gouvernement anglo-indien. Jusqu’à la grande rébellion, l’armée de l’Inde, recrutée et soldée par la compagnie, se composait de 300,000 cipayes et de 40,000 Européens dont le quart au moins servaient comme officiers dans les régimens indigènes. Les régimens européens n’étaient, par rapport à ceux-ci, que dans la proportion d’un à dix : l’artillerie était recrutée à peu près exclusivement parmi les indigènes. Pour avoir raison de l’insurrection, il fallut porter à 100,000 hommes l’effectif des troupes européennes ; mais il était impossible de les maintenir à ce chiffre ; le recrutement eût été trop difficile, pour ne pas dire impossible, et la dépense eût écrasé les finances indiennes. On se trouva donc dans la nécessité de réorganiser une armée indienne ; mais on jugea que l’expérience cruelle qu’on venait de faire et qui avait fait apparaître le danger où l’on avait compté trouver la sécurité ne permettait pas de donner à cette