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célébrer les fêtes du mariage du roi d’Angleterre avec Catherine de France. On ignore la réponse qui fut faite par Louis de Bar à ces ouvertures ; ce que l’on sait, c’est que les envoyés anglo-bourguignons, quoiqu’ils fussent porteurs d’un sauf-conduit délivré le 22 juin par le cardinal, tombèrent au retour dans une embuscade et furent faits prisonniers par Robert de Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs, et Robert de Saarbruck, damoiseau de Commercy, qui tenaient le parti du dauphin. Le duc de Bar eut beau s’entremettre pour obtenir la mise en liberté immédiate du seigneur de Ruppes et des onze principaux hommes d’armes de son escorte, moyennant une rançon de mille écus d’or qu’il promit de payer par acte en date du 8 mai ; il eut beau faire entrer dans son conseil Gautier de Bauffremont et lui assigner, outre une pension annuelle de deux cents livres tournois, une somme de quatre cents écus à titre de dédommagement, le duc de Bourgogne n’en considéra pas moins le cardinal comme complice de l’attentat dont son ambassadeur avait été la victime et lui déclara la guerre. La châtellenie de Vaucouleurs eut à supporter le premier choc des bandes anglo-bourgiugnonnes ; une trêve ou suspension d’armes, conclue à Bar-le-Duc le 25 juin 1420, fut le prélude d’une conférence où l’on convint de se rendre les prises faites de part et d’autre. Le 17 du même mois, par lettres patentes datées de Poitiers, le dauphin Charles, régent du royaume, avait institué le cardinal de Bar son lieutenant général, en lui donnant pleins pouvoirs pour conclure, en son nom, toute espèce d’arrangemens tant avec les villes et forteresses qu’avec les simples particuliers.

Sur ces entrefaites, les hostilités, ouvertes dans le comté de Ligny par le comte de Brienne et son lieutenant. Érard du Châtelet, avaient suivi leur cours. Pour tenir tête à Pierre de Luxembourg, qui s’était avancé jusqu’aux portes de Bar, le cardinal fut contraint d’enrôler deux hommes d’armes qui guerroyaient pour le dauphin sur la frontière orientale de la Champagne, le Breton Jean Raoulet et le Gascon Etienne de Vignolles, capitaine de Vitry, déjà fameux par son impétueuse bravoure sous le sobriquet de La Hire. Ces chefs de bandes, aussi avides que prodigues, se montraient d’ordinaire très exigeans, surtout lorsqu’ils avaient à faire à des gens d’église, et le danger n’était guère moindre de s’en servir que de les combattre. Le cardinal de Bar en fit l’expérience. En vain, il avait prodigué à La Hire ainsi qu’à Jean Raoulet les chevaux de prix et les tonneaux ou « queues » de vin ; sous prétexte d’un retard dans le payement de la solde de ces aventuriers, il se vit sur le point d’être assiégé dans son château de Clermont-en-Argonne par ces dangereux auxiliaires, et force lui fut de lever une aide sur la prévôté de Bar pour s’acquitter envers Jean Raoulet, La Hire et