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Deux actes dont nous nous proposons de publier intégralement le texte prouvent avec évidence que Jacques d’Arc figurait au premier rang des notables de Domremy ; dans le premier, daté de Maxey-sur-Meuse le 7 octobre 1423, il est qualifié doyen de ce village et vient à ce titre immédiatement après le maire et l’échevin ; dans le second, rédigé à Vaucouleurs le 31 mars 1427, il est le procureur fondé des habitans de Domremy dans un procès de grande importance qu’ils avaient alors à soutenir par devant Robert de Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs. Ces deux pièces, la dernière surtout, offrent un intérêt sur lequel il serait superflu d’insister ; elles n’établissent pas seulement la situation relativement élevée qu’occupait la famille d’Arc à Domremy ; elles montrent en outre que le père de Jeanne, investi officiellement de la procuration des habitans de ce village, était entré en relations directes et personnelles avec le capitaine de Vaucouleurs dès 1427.

Domremy se trouve dans une situation privilégiée, et, grâce à cette situation, d’humbles paysans qui n’avaient que peu de besoins tiraient du sol même qu’ils cultivaient presque tout ce qui était nécessaire à leur subsistance. Les hauteurs couronnées de hêtres et de chênes séculaires, qui enserrent du côté du couchant la vallée où le village est assis, fournissaient en abondance le bois de chauffage ; le beau vignoble de Greux, exposé à l’orient et grimpant dès le XIVe siècle sur les pentes de ces hauteurs, produisait ce petit vin, acidulé à l’excès, qui n’en flatte pas moins agréablement le palais un peu âpre des enfans de la Meuse ; les champs couchés au bas de ces pentes et contigus aux maisons étaient réservés à la culture des céréales, du froment, du seigle et de l’avoine ; enfin, entre ces champs cultivés et le cours de la Meuse, s’étendaient sur une largeur de plus d’un kilomètre, ces prairies verdoyantes dont la fertilité égale la beauté et d’où l’on tire encore aujourd’hui les foins les meilleurs et les plus renommés de toute la France. La principale richesse des habitans de Domremy, c’était le bétail qu’ils mettaient à paître dans ces prairies où chacun, après la récolte des foins, avait le droit de faire pâturer un nombre de têtes de bétail proportionnel à celui des « fauchées de pré » qu’il possédait en propre : c’est ce que l’on appelait le « ban de Domremy » dont la garde était confiée, à tour de rôle, à une personne prise dans chaque « conduit » ou ménage. On voit par certaines réponses de Jeanne à ses juges de Rouen qu’elle avait été plus d’une fois préposée à cette garde, lorsque venait le tour de ses parens, et ses ennemis n’avaient pas manqué de s’emparer de cette circonstance pour prétendre ne voir en elle qu’une bergère de profession.

Pour la vente de leurs denrées comme pour les emprunts qu’ils étaient parfois obligés de contracter, par exemple, lorsqu’une de