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où nous risquons de nous perdre, on nous rappelle quelquefois à la préoccupation et au sentiment de l’ensemble. Mais d’autant que ces détails, comme une Étude sur le C dans les langues romanes, ou sur le rôle de l’accent latin dans la langue française, nous paraissent moins dignes en soi du temps, de la peine, et même du papier qu’ils coûtent, on est plus étroitement tenu de nous montrer s’ils ont un intérêt général, et qu’il est assez grand pour justifier une application qui ne serait autrement rien de plus que l’effet d’une curiosité vaine ou l’obstination d’une douce manie.

Ne craignons pas au surplus de le dire : quelque plaisir que l’on éprouve, plaisir ignoré du vulgaire, mais réel cependant, et très vif, à poursuivre une recherche en apparence ingrate, quiconque ne nous fera pas voir ce qu’elle a d’important, sera toujours suspect, et à bon droit, de ne pas le savoir lui-même, ou à tout le moins de ne pas le pouvoir. Les noms se presseraient sous ma plume si je voulais énumérer à ce propos tout ce que nous avons d’érudits qui ne le sont, en quelque manière, qu’à leur corps défendant, par force et non du tout par choix, incapables de comprendre ou de soupçonner seulement ce que leurs investigations ont d’importance ultérieure à leur objet immédiat ou prochain. Et c’est pourquoi nous ne saurions trop féliciter M. Gaston Paris, n’étant pas de cette famille, d’avoir compris que le temps était venu pour lui de s’en distinguer.

Le présent volume, à la vérité, n’est pas tout à fait aussi neuf que nous l’aurions souhaité. La plupart des morceaux qui le composent étaient déjà connus, et l’un même, celui d’où le recueil a tiré son titre, depuis tantôt vingt ans. Deux seulement y sont inédits : l’un sur les Origines de la littérature française, et l’autre sur la Chanson de Roland. Ce sont peut-être les plus importans. Comme ils datent cependant, eux aussi, de quelques années, nous ne croyons pas devoir y insister particulièrement, de peur que, sur plus d’un point, M. Gaston Paris ayant changé d’opinion, nous ne courions cette mauvaise chance de le critiquer à contresens ou de le louer impertinemment. Mais, dans la courte et substantielle préface qu’il a mise à ce petit volume, il a si bien posé la question, et d’un doigt si sûr indiqué le point vif du débat, que nous n’en demandons pas davantage pour revenir avec lui sur une controverse où se trouvent impliquées beaucoup plus de questions, et plus graves qu’on ne le croirait tout d’abord.

« On a célébré la poésie du moyen âge, dans ces dernières années, nous dit donc M. Gaston Paris, avec un enthousiasme fort sincère, mais quelquefois peu judicieux dans son objet ou peu mesuré dans son expression ; on l’a attaquée avec mauvaise humeur et en se plaçant à un point de vue qui n’a rien de scientifique… Cette exaltation et ce dénigrement me semblent également surprenans en pareille matière. »