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Il y a un juge du chériat de première instance dans chaque district administratif, et l’exécution de ses jugemens est confiée aux autorités du district. La cour d’appel, constituant la deuxième instance, siège à Serajewo. Elle est la même pour toutes les espèces de juridiction ; seulement, pour les affaires du chériat, une chambre spéciale a été instituée, nous l’avons dit, sous la présidence personnelle du président de la cour, et deux de ses membres doivent être des juges du chériat. Les choses ainsi réglées, le gouvernement austro-hongrois avait conscience d’avoir concilié, dans la mesure du possible, les traditions invétérées de la religion musulmane avec les exigences de la civilisation moderne. Il avait ménagé la transition qui amènera un jour la fusion graduelle de toutes les races et de tous les cultes des provinces annexées.

Telles sont, en résumé, les dispositions spéciales qui ont été adoptées pour régler, en Herzégovine et en Bosnie, la situation des trois principales confessions. Ajoutons que les frais du culte pour ces trois confessions sont inscrits au budget de 1885 pour environ 200,000 florins, et mentionnons encore quelques proscriptions imposées aux trois cultes. Tout d’abord l’usage turc de célébrer les jours de fêtes musulmanes par des salves d’artillerie a été étendu aux fêtes chrétiennes ; secondement, les autorités ont été invitées, sinon à s’opposer formellement à toutes conversions religieuses, au moins à ne pas les favoriser ; elles doivent agir avec tact et prudence pour que, le cas échéant, aucune des religions reconnues ne puisse se considérer comme blessée dans son prestige et sa dignité. Le gouvernement n’a pas cru devoir prendre, pour des conversions de ce genre, des dispositions spéciales ; il a pensé que ce seraient des faits extrêmement rares et que, dès lors, il n’y avait lieu d’agiter des questions aussi délicates. De tout ce qui précède on peut aisément déduire les principes qui ont dirigé sa conduite ; ce sont les suivans : respect absolu des croyances et des pratiques religieuses ; liberté absolue, égalité absolue pour l’exercice de tous les cultes ; et, dans la mesure nécessaire, protection accordée à chacun d’eux contre les attaques dont il pourrait être l’objet de la part des autres ; secours matériels aussi larges que possible pour l’exercice des cultes ; subventions pour l’entretien des édifices religieux, des écoles et des établissemens ecclésiastiques ; paiement de tous les hauts dignitaires de chaque culte aux frais de l’état ; contrôle de l’état sur toutes les corporations religieuses, sans que ce contrôle puisse porter la moindre atteinte à leur indépendance, mais de façon à éviter strictement tous les abus et à empêcher qu’une institution religieuse ne tourne en institution politique.

Nous avons cru devoir mettre ces principes en évidence et