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prestige mérité. Son âge avancé, sa science éprouvée, sa profonde connaissance du droit musulman, l’honorabilité de sa vie religieuse en faisaient un personnage vénéré dans toute la Bosnie et l’Herzégovine. Il était visiblement désigné pour le poste à créer. Aussi, lorsque le gouvernement austro-hongrois s’aperçut que ce mufti avait une grande réputation, non-seulement dans les provinces occupées, mais dans le monde musulman tout entier et même à Constantinople, il ne crut pas devoir hésiter plus longtemps. Il s’empressa donc de combler les espérances de la population, en plaçant Hilmy-Effendi à la tête de la hiérarchie religieuse en Herzégovine et Bosnie, et en lui donnant le titre proposé par ses coreligionnaires, le reis-el-uléma. Un décret impérial en date du 17 octobre 1882 lui accorda ce titre et ces fonctions, avec 8,000 florins d’appointemens, c’est-à-dire un traitement égal à celui de l’archevêque catholique. En même temps, quatre ulémas furent nommés membres du collège des ulémas aux appointemens de 2,000 florins. Une des principales attributions de ce collège devait être l’examen des candidate au poste de juges du chériat, candidats que le reis-el-uléma présentait ensuite au choix du gouvernement. Le 15 décembre 1882, eut lieu l’installation solennelle du nouveau chef de la religion musulmane. La cérémonie fut célébrée au palais du gouvernement à Serajewo. Le décret impérial fut lu à haute voix au milieu d’une assemblée nombreuse de notables et de hauts fonctionnaires. Puis le reis-el-uléma le prit entre ses mains pour lui rendre des honneurs conformes au rite musulman ; il le porta à sa bouche et à son front. L’iman de la mosquée principale récita une prière, dans laquelle étaient appréciées en termes émus la grande justice et la profonde bienveillance de l’empereur François-Joseph. Finalement, la population musulmane de Serajewo fut admise à baiser la main du reis-el-uléma, qui se rendit peu de jours après, à Pesth, pour prêter serment à l’empereur-roi. A son retour en Bosnie, Hilmy-Efi’endi fut salué de la façon la plus sympathique par une députât ion de ses coreligionnaires, ce qui démontrait combien ils étaient satisfaits de la création du nouveau poste, et surtout du choix de la personne désignée pour l’occuper. L’organisation ainsi mise en vigueur donnait aux musulmans l’assurance que leurs croyances seraient respectées à l’égal de toutes les autres et leur fournissait les meilleures garanties de justice. C’était la première fois qu’une église mahométane était installée par un gouvernement chrétien dans la pleine possession de tous ses droits et de toutes ses attributions.

L’Autriche-Hongrie ne se borna pas d’ailleurs à instituer ce reis-el-uléma et ce medjliss-i-uléma, elle prit en même temps toutes les mesures qui pouvaient assurer les intérêts matériels du culte