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est exprimée avec plus de force encore dans une autre lettre que Jeanne écrivit de Reims au duc de Bourgogne le 17 juillet, jour du sacre de Charles VII : « Tous ceux qui guerroient audit saint royaume de France guerroient contre le roi Jésus, roi du ciel et de tout le monde, mon droiturier et souverain seigneur. »

Un écrivain politique du siècle précédent, l’auteur du Songe du verger, avait dit de nos rois qu’ils sont « vicaires de Jésus-Christ en sa temporalité. » Cette conception mystique de la royauté n’a jamais été mieux exposée que par Jeanne d’Arc dans sa première entrevue avec Robert de Baudricourt : « Jeanne disait, rapporte un témoin oculaire, que le royaume n’appartenait pas au dauphin, mais à son seigneur. Néanmoins, c’était la volonté de son seigneur que le dauphin fût roi et qu’il eût le royaume en commende ; elle ajoutait qu’il serait roi en dépit de ses ennemis et qu’elle le conduirait elle-même pour le faire sacrer. Robert de Baudricourt lui demanda alors quel était son seigneur, et elle répondit : « C’est le roi du ciel. » Assurément, la grande âme de la Pucelle pouvait seule parler un si simple et si magnifique langage. Toutefois, pour le fond des idées, il n’y a rien là, il faut bien le dire, qui soit personnel à la vierge de Domremy. Originaire d’un petit canton de la Champagne, dont les habitans avaient voué un véritable culte à la royauté française, née et élevée dans un village où la légende mystique de cette royauté avait trouvé des conditions de développement particulièrement favorables, Jeanne d’Arc ne fait qu’exprimer avec autant de fidélité que d’éloquence, dans les textes cités plus haut, la croyance populaire de son pays natal et de la France tout entière au XVe siècle.


II

La famille d’Arc semble avoir tiré son nom du village d’Arc-en-Barrois. Ce village, qui fait aujourd’hui partie du département de la Haute-Marne, est situé sur l’Anjou, affluent de la rive droite et du cours supérieur de l’Aube, à 26 kilomètres au sud-ouest de Chaumont. Pendant la seconde moitié du XIVe siècle, on trouve divers individus de ce nom établis le long de la vallée de l’Aube ou de ses affluons : en 1387, Huot d’Arc, à Arc-en-Barrois ; en 1353, Simon d’Arc, chapelain de la chapelle Notre-Dame au château royal de Chaumont ; en 1398, Guillaume d’Arc, dit de Longuay, à Courcelles-sur-Anjon ; en 1392, Jeannin d’Arc, à Radonvilliers ; en 1375 et 1390, le drapier J. d’Arc et le chanoine Pierre d’Arc, à Troyes ; en 1404, le curé Michel d’Arc, à Bar-sur-Seine, au diocèse de Langres ; enfin, vers 1375, Jacques d’Arc, père de Jeanne, à Ceffonds, petit village dépendant de la célèbre abbaye de Montiérender. La version qui fait le père de la Pucelle originaire de Ceffonds se trouve, pour la