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impériale n’eût pas formellement reconnu les mêmes droits et promis la même protection à tous les cultes dans les provinces occupées, ce serait néanmoins le premier devoir du gouvernement non-seulement de placer tous les cultes sur le même pied, mais de témoigner à tous les mêmes égards et le même intérêt… J’attache une grande importance à insister sur les mots : appui et protection, lorsqu’il s’agit des cultes dans ces pays. Il leur serait, en effet, à peu près impossible de vivre de leurs propres forces. Le gouvernement doit intervenir pour les aider. » Dans la séance du 9 novembre, devant la délégation cisleithane, le même ministre, répondant à une interpellation, faisait à dessein la déclaration que voici : « Ce n’est pas seulement un vœu théorique de la part du gouvernement, c’est la tâche à laquelle il s’adonne le plus soigneusement, que de veiller à ce qu’aucune confession ne soit gênée dans l’exercice de son culte. Le gouvernement s’efforce de les soutenir toutes d’égale façon, sachant très bien que, dans l’état où se trouve actuellement la population, il lui serait difficile de subvenir, à l’aide de simples subsides particuliers, à l’entretien des ministres du culte et aux besoins du culte lui-même. »

Tels sont les principes d’après lesquels, depuis le début de l’occupation jusqu’à ce jour, le gouvernement austro-hongrois a dirigé tous ses actes : égalité de droit et protection égale pour tous. Au surplus, l’occupation était à peine achevée que les divers cultes s’empressaient de faire connaître leurs vœux. Ce furent d’abord les mahométans. Ils ne sollicitèrent du gouvernement impérial aucun secours pécuniaire, mais ils lui demandèrent une réforme complète de leur hiérarchie. Dès le mois de novembre 1878, les notables musulmans de Serajewo adressèrent au général en chef, qui était alors chargé de l’administration civile, une pétition destinée à être mise sous les yeux de l’empereur François-Joseph. Ils réclamaient pour l’église musulmane de Bosnie, qui continuait d’ailleurs à reconnaître le sultan comme calife, un chef indépendant résidant dans le pays. Ils ne voulaient pas, à vrai dire, un cheik-uleman', mais un reis-el-ulema, c’est-à-dire un président des ulémas, pour l’Herzégovine et la Bosnie, chargé de la nomination et du contrôle des juges du chériat. Ce projet d’autonomie, en raison des sentimens d’indépendance professés, comme nous l’avons vu, par les Bosniaques à l’égard de la domination turque, n’avait rien de bien surprenant. Il n’était pas non plus en désaccord avec les principes de l’islamisme. Dans tous les états mahométans, le souverain est aussi le chef du clergé, selon le principe du Koran : « Obéissez à Dieu, obéissez au Prophète, obéissez à votre prince. » Ceci s’applique même à la domination étrangère, ainsi que nous le voyons