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produisit. La Serbie conquise par les Turcs, il était évident que le flot de l’islamisme allait se répandre vers le Danube, la Save et la mer Adriatique. Après la mort de Louis le Grand, la Hongrie, divisée par des conflits de succession au trône, affaiblie par des luttes de parti, avait perdu l’espèce d’attraction qu’elle exerçait jusque-là sur les états des Balkans. L’ambition immédiate de Tverdko en profitait ; mais ce devait être pour l’avenir une cause de décadence générale. Tverdko mourut en 1391. Sous ses successeurs, son œuvre tomba en ruines. Au temps des Dabiscis, Ostoja’s et Hervoja’s, les trois confessions qui se disputaient la Bosnie furent exposées aux plus grands changemens. C’est alors que l’influence des Turcs commença à se faire sentir. Les bogomiles s’appuyaient sur eux, et il ne fallut rien moins que les succès du roi Sigismond de Hongrie pour retarder les projets du bogomilisme, devenu si puissant qu’on pouvait regarder la Bosnie comme son véritable asile. Les franciscains, surtout Deodat de Rusticis, fra Bartolommeo Alvernira et fra Pietro, ne cessaient de le combattre. Le roi Tverdko II poursuivit violemment saint Jacob sans parvenir à lui enlever le dévoûment du peuple. Ce roi était ouvertement bogomile. Sous son gouvernement de vingt-deux ans (1421-1443), les Turcs profitèrent habilement des conflits sanglans et perpétuels des catholiques et des bogomiles. Au reste, suivant les rapports des délégués pontificaux, le clergé indigène catholique de Bosnie avait une conduite des plus corrompues, des plus dissolues, et servait bien mal les intérêts de la religion. Deux fois le pape organisa contre lui l’inquisition, et en 1434, Giovanin de Rajat voulut le châtier avec une telle sévérité qu’il amena une révolte. En 1436, la résidence de l’évêque de Bosnie avait été transportée provisoirement à Diakovar et, depuis lors, elle n’a cessé de figurer dans l’histoire de l’épiscopat hongrois.

Tverdko II, étant bogomile, n’empochait point la décadence de la religion catholique ; mais, étant vassal de la Hongrie, il ne se déclarait pas violemment contre elle. Sous le roi Stephan Thomas, les choses changèrent encore une fois de face. Stephan Thomas (1443-1461) se montra le plus grand protecteur des franciscains. Il avait d’abord été bogomile, mais plus tard il se convertit au catholicisme, croyant y trouver une force politique, et devint un sectateur fanatique des franciscains, qui exerçaient une grande influence sur son âme rude et cruelle. Des temps mauvais commencèrent pour les bogomiles ; à côté des maux qu’ils subirent alors, les persécutions précédentes avaient été insignifiantes. Leurs églises furent détruites, leurs prêtres pourchassés ; un grand nombre d’entre eux émigrèrent. Le vicaire des franciscains, Jacobus Primaditius, faisait bâtir partout des églises catholiques ; il s’en élevait de toutes parts, jusqu’à la Save et au-dessus. L’évêque de Bosnie rétablit sa résidence