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Tverdkos. Les succès du catholicisme augmentaient chaque jour. Les bans continuaient sans doute à hésiter entre l’église latine et l’hérésie ; néanmoins l’église latine semblait devoir l’emporter. Ce n’était pas par persuasion que ces bans inclinaient vers le bogomilisme ; ils n’y voyaient qu’un moyen de séquestrer les biens-fonds et de soumettre les anciens chefs de races, devenus seigneurs oligarques. Comme ce séquestre était accompli au nom de la religion, le peuple y applaudissait avec joie. Mais, en dépit de ces mesures violentes, les bans ne parvenaient pas à détruire complètement la puissance des grands ; aussi furent-ils contraints, pour affermir leur propre pouvoir de s’appuyer sur la Hongrie catholique. C’est ce que firent surtout les Kotromanovics qui, luttant contre la Serbie, n’hésitèrent pas à opprimer l’église grecque orientale, dont les adhérens décrurent considérablement. En 1339, lorsque Gerardo Odonis, vicaire pontifical, organisa l’assemblée des franciscains à Gran (Hongrie), et se rendit en Bosnie pour y étudier l’état de l’église catholique, il y fut reçu majestueusement par le ban Stephan Kotromanovic. C’est ce prince qui, secondé par une armée hongroise, vainquit Douchan, le célèbre tsar de Serbie. Sa fille, Élisabeth, devint l’épouse du roi de Hongrie Louis le Grand. Cette intime liaison de famille affermit le catholicisme, qui reçut sans cesse des secours moraux, politiques et pécuniaires du gouvernement hongrois. Le bogomilisme, jusque-là religion d’état en Bosnie, fut remplacé par le catholicisme. Les hérétiques ne se convertissaient pas, surtout dans les lieux où ils demeuraient en masse ; mais ne trouvant de secours ni en Dalmatie, ni auprès des bans, il leur était impossible de faire des progrès.

La situation changea du tout au tout en 1376. Le ban Tverdko se fit couronner à Milosevo roi de Bosnie et de Serbie. Quoique beau-frère de Louis le Grand de Hongrie, il travailla à s’émanciper en réalité de la suzeraineté hongroise, dont il respectait les apparences pour éviter un conflit dangereux. Les républiques de Raguse et de Venise le reconnurent roi de Serbie, et Louis le Grand dut accepter en silence le nouveau royaume. Tverdko ne se livra à aucune persécution religieuse ; mais il professait la religion de ses nouveaux sujets, les Serbes, c’est-à-dire la grecque orientale ; le catholicisme perdit donc, sous son règne, son rang privilégié. Tverdko fonda des églises et des couvens grecs et leur fit de nombreux dons. Les Serbes jouissant d’une grande influence, leur confession obtint de rapides succès. Une partie de la Bosnie tomba sous l’influence des églises d’Ipek et de Macédoine. Ayant le dessein d’étendre son pouvoir jusqu’à la mer, Tverdko tolérait par politique toutes les religions. Mais c’est durant son règne que l’événement capital de l’histoire des Slaves des Balkans, la bataille de Kossovo, se