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Dalmatie, avait été subordonné à l’autorité de l’archevêché de Kolocsa. Ceci se passait en 1203. La Hongrie était donc forcée, par des raisons ecclésiastiques aussi bien que politiques, de faire périr l’hérésie des bogomiles qui, sous une forme religieuse, était en réalité un mouvement particulariste et représentait ce que nous appellerions aujourd’hui la cause de l’émancipation. Aussi l’archevêque de Kolocsa et la Hongrie prenaient résolument les armes pour massacrer tous ceux qui refusaient de se faire catholiques. Mais cette politique d’extirpation violente n’atteignait pas le but qu’elle se proposait ; pour gagner les infidèles il fallait user de persuasion, et substituer la douceur à la force. Telle était la conviction du saint-siège, et c’est pour cela qu’il fit appel aux franciscains. Les résultats répondirent à son attente. Trente-six ans à peine après leur entrée en Bosnie, les franciscains étendaient leur sphère d’action jusqu’en Bulgarie ; au bout du XIIe siècle, ils avaient sept custodies ; la première custodie comprenait cinq couvens, entre autres Smoski, Glamor, Cetin ; la deuxième comptait quatre couvens dans le territoire de Bosnie, à Sutepka, Visoko, Lasva, Olov ; dans le district Uzoraen, des couvens s’élevaient à Djakovar, Modric, Orbica, Skakova, Lioudva ; dans le département Macoen (Macvaen), il y avait des couvens à Alsa, Bjelina, Marva, Saint-Marija, Tocak, Orhokrup, Srebrenica ; dans le district bulgare, il y en avait à Szeverin, Orsova, Karansebes, Szerem, Kövcsd, lieux voisins de la frontière de Hongrie ; enfin trois couvens existaient dans le district de Kubin (Kevéen en hongrois), vis-à-vis la Semendria d’aujourd’hui.

Les franciscains jouissaient d’une complète indépendance. Ils correspondaient directement avec le pape, en passant au-dessus de l’évêque ; l’œuvre de la conversion était toute entre leurs mains. C’est en vain qu’en 1330 les dominicains essayèrent de leur enlever l’inquisition, ils n’y réussirent pas. Les franciscains Exerçaient même un véritable pouvoir politique, car ils aidaient les bans à expédier les affaires, étant seuls dans le pays à connaître l’écriture et les questions diplomatiques. Le tsar de Serbie, Stéphan Dragontine, qui, à la fin du XIIIe siècle, avait placé la Bosnie sous sa suzeraineté, les secondait puissamment. Il faisait de grands efforts pour amener les fidèles du rite grec à changer de religion. Les franciscains avaient en outre l’appui des Subices de Dalmatie, que l’intérêt et le désir du pouvoir entraînaient vers l’église latine. Le XIVe siècle fut l’époque la plus florissante de la Bosnie. La contrée comprise entre la Bosnie et la mer Adriatique formait un territoire unique, qui était, il est vrai, au temps des Anjous sous la dépendance perpétuelle de la forte Hongrie, mais dont la vie intérieure devenait de plus en plus puissante et indépendante. Alors régnaient les Subices, les Kotromanovics, les