Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 69.djvu/564

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

éclatante concurrence. Saisset terminait une période, tandis qu’on était impatient d’en commencer une autre. Le livre de Saisset résumait brillamment et noblement les conceptions du spiritualisme cartésien et leibnizien ; au fond, c’était bien lui qui avait raison ; mais il ne faisait aucune part aux nouveaux élémens de la pensée, ni à la philosophie allemande, ni au mouvement scientifique moderne. La philosophie a besoin de remuement et d’action, comme le dit Pascal de la vie humaine. Dans cette noble conclusion des doctrines spiritualistes, la philosophie était trop pacifiée et trop simplifiée. Ce n’était pas moins une belle œuvre qui n’a eu que le tort de ne pas venir à son heure. Plus tôt, ou plus tard, ces idées eussent paru fortes ; mais alors on les connaissait trop.

Notre intention ne peut être de revenir sur l’analyse du livre de la Métaphysique et la Science ; nous signalerons seulement l’étape nouvelle de l’auteur et le point de vue saillant qui la caractérise. L’Histoire de l’école d’Alexandrie n’avait été au fond, nous l’avons vu, que le retour à la doctrine de Cousin sur l’unité de substance. Ici l’auteur a une théorie qui lui est propre, la théorie de l’idéal ; elle était déjà, mais en sous-ordre, dans l’ouvrage précédent : ici, elle devenait tout à fait une thèse ; pour la bien comprendre, il faut remonter de quelques pas en arrière, et tenir compte des antécédens.

C’est Kant qui, le premier, a soutenu cette doctrine que nous n’avons pas le droit de conclure de l’idée à la réalité : c’est lui qui a dit que Dieu n’est qu’un idéal ; et, en ce sens, la doctrine de M. Vacherot n’est qu’une conséquence et une suite de celle de Kant : ce n’est donc pas une hypothèse tout à fait originale. Mais il faut remarquer que la critique de Kant se bornait à ceci : l’impossibilité du passage de l’idée à l’être par voie de raisonnement, en d’autres termes, l’insuffisance logique des preuves de l’existence de Meu, et particulièrement de l’argument a priori qui est, suivant lui, le postulat sous-entendu dans toutes ces preuves. Mais Kant ne tirait pas d’objection particulière de l’idée de perfection ; il niait en général toute objectivité, celle de lame et du monde aussi bien que celle de Dieu, l’infini et l’absolu aussi bien que le parfait. C’étaient les choses en soi en général qui lui paraissaient manquer des conditions de l’objectivité. Cependant, il conservait encore l’inconditionnel ou l’absolu comme une loi de l’esprit.

Cette dernière concession de Kant fut l’objet de la critique pénétrante, acérée, vraiment profonde de l’Écossais Hamilton dans son célèbre article : Cousin-Schelling. Il reprochait à Kant de n’avoir pas complètement « exorcisé la notion de l’absolu. » Pour lui, non-seulement l’absolu n’existe pas en tant qu’être (si ce n’est pour la foi) ; il n’existe pas même en tant qu’idée. Il distinguait d’ailleurs