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traverse une vallée fertile dont la principale localité, Bala-Mourgab, est une importante position stratégique commandant la route de Maïméné. L’émir Abdourrahman transporta dernièrement plusieurs centaines de familles Djemchidis et Hazaras pour repeupler ce bourg. En aval du fleuve se trouve le fort de Meroutchak, où la vallée s’élargit considérablement; on y voit encore les restes d’un pont en pierre. A 60 kilomètres au nord de Bala-Mourgab, se dresse sur une hauteur le bourg fortifié de Pendjdé, considéré par les Anglais comme l’une des clés de Hérat. L’oasis de Pendjdé est habitée par des Turcomans Saryks.


IV.

Depuis que le conflit anglo-russe préoccupe le monde, la presse européenne va chercher ses renseignemens dans les journaux d’outre-Manche; la voix des journaux russes, si elle se fait entendre, ne parvient guère à détruire l’opinion généralement accréditée d’une politique slave fourbe et astucieuse dans les affaires de l’Asie centrale. On a souvent contesté, même dans le parlement, l’utilité des expéditions qui ont peu à peu mené les Anglais jusqu’aux limites de l’Afghanistan ; il en est de même de la marche en avant des Paisses dans l’Asie centrale jusqu’au pied de l’Hindoukouch, et pourtant la nécessité pour les deux pays d’arriver à une frontière naturelle est aussi bien reconnue par l’Angleterre que par la Russie.

Grâce au langage belliqueux de la presse anglaise, le rôle civilisateur des Russes dans l’Asie centrale n’a guère été relevé ; si l’on admet leur heureuse influence au Turkestan, sous le rapport de la sûreté des routes, on omet de dire que l’industrie, l’agriculture et le commerce ont pris un nouvel essor depuis l’accroissement de la classe des propriétaires, peu nombreuse avant l’occupation russe. Les impôts ont été fixés et singulièrement allégés. Quant à l’organisation de l’Asie centrale, elle a offert plus de difficultés que celle de l’Inde. S’il y a des mécontens au Turkestan, il y en a certes aussi dans l’Hindoustan; si le gouvernement russe n’y fait pas toutes les réformes désirables, il ne faut pas oublier que c’est un pays dont les impôts ne couvrent pas même les frais d’administration et qu’il se passera de longues années avant qu’il produise de quoi subvenir aux dépenses de l’armée. Il est certain, du reste, que les Russes sont mieux vus en Asie que les Anglais, et quant à l’influence de ces derniers sur l’Afghanistan, la campagne de 1880 a prouvé jusqu’où va, pour eux, la sympathie des sujets de l’émir, tandis que les ambassadeurs russes ont toujours été bien accueillis par la population.