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très difficile à se figurer : c’est l’association même des mouvemens réflexes entre les diverses cellules cérébrales par l’intermédiaire des fibres qui les relient. La suggestion des représentations mentales et des mouvemens corrélatifs peut être comparée aux phénomènes d’induction électrique par lesquels un courant exerce son influence sur un autre et produit une aimantation. Les courans nerveux qui répondent à telle série de représentations se trouvent induits, et les représentations subissent parallèlement des phénomènes d’attraction qui les font se succéder l’une à l’autre dans la conscience. Le cerveau est à l’état de tension et agit toujours dans sa totalité ; chaque pensée particulière suppose une décharge cérébrale qui ne peut se produire sans altérer les tensions de toutes les autres parties et sans amener par cela même une suite indéfinie d’autres décharges dans une direction déterminée. L’effet produit sur un point est, à chaque instant, fonction du changement total. Aussi peut-on comparer la pensée au phénomène électrique qu’on appelle l’aurore boréale, où l’équilibre entre l’électricité terrestre et celle des particules glacées de l’atmosphère est sans cesse rompu et rétabli, de manière à produire des irradiations continuellement changeantes ; les rayons lumineux sont associés entre eux comme le sont nos idées : chacune est comme une irradiation révélant à la fois la tension générale et la décharge particulière du magnétisme intérieur.

Maintenant, dans le conflit des idées et dans leur lutte pour la vie, qu’est-ce qui explique pourquoi c’est telle pensée et non telle autre qui, en tel moment, est victorieuse au sein de la conscience ? La sélection des idées et leur suggestion a lieu tantôt en vertu de la simple rencontre ou contiguïté des impressions dans le temps[1], tantôt en vertu de leur ressemblance ou similarité. La plupart des psychologues anglais, avec Stuart Mill et M. Bain, considèrent ces deux lois comme irréductibles. Quelques-uns cependant, comme Hamilton, ont tenté de réduire l’une à l’autre. Mais alors se pose un des problèmes les plus importans de la psychologie contemporaine. — Est-ce la sélection par ressemblance qui se ramène à la sélection par contiguïté, ou est-ce, au contraire, celle-ci qui se ramène à l’autre ? — En ces termes, il semble que la question offre un intérêt purement logique ; en réalité, il ne s’agit de rien moins que de déterminer le ressort fondamental qui produit le mouvement ininterrompu de nos idées. Il y a là un mécanisme plus curieux à étudier que toutes les machines visibles.

  1. Deux idées sont appelées contiguës quand elles se sont produites simultanément ou en succession immédiate dans votre conscience ; il ne s’agit nullement d’une contiguïté extérieure.