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Le 28 juin, au point du jour, la colonne quitta son bivouac. En tête marchaient un escadron de chasseurs, deux pièces de montagne et le bataillon d’Afrique; puis venait sur trois files le convoi flanqué à droite par un escadron, par une pièce de montagne et par les compagnies polonaises, à gauche par un escadron, par une pièce de montagne et par le bataillon italien. Le bataillon du 66e, la demi-batterie de campagne et un escadron faisaient l’arrière-garde. Tout alla bien d’abord ; ces premières heures du jour étaient fraîches ; les troupes s’avançaient sans hâte dans la plaine sans obstacle. Surpris par ce départ matinal, l’ennemi n’avait encore que quelques rôdeurs en campagne. Vers huit heures seulement, il parut plus nombreux, mais jusqu’à dix heures, il ne fit que tirailler à grande distance. À ce moment, la colonne s’arrêta, elle avait atteint la limite septentrionale de la plaine. Depuis quelque temps déjà, elle côtoyait par la droite un vaste marécage à demi desséché pendant la saison chaude. Ce senties eaux du Sig et de l’Habra, qui, largement épandues, s’y confondent et s’y attardent jusqu’à ce qu’elles se décident à descendre lentement à la mer par un très court émissaire qu’on appelle la Macta. Courant du sud-ouest au nord-est, le contrefort qui porte la forêt de Mouley-Ismaël a fini par se rapprocher tellement du marais qu’entre l’un et l’autre il n’y a plus qu’un étroit passage qui va, tout près de la mer, entre les dunes, rejoindre la route d’Oran à Mostaganem. C’est un des chemins par où, de la plaine, on peut gagner Arzeu; il y en a un autre moins long qui, tournant au nord-ouest avant le défilé, traverse les collines basses des Hamiane. C’était celui que le commandant de Maussion était d’avis de suivre; mais le général Trézel, craignant d’y rencontrer trop de difficultés pour ses voitures, se décida pour le premier.

Dès que le mouvement de la colonne se fut dessiné dans ce sens, Abd-el-Kader, qui, dès la journée du 26, s’était conduit en homme de guerre, fit prendre les devans à 1,500 cavaliers, doublés chacun d’un fantassin en croupe, et leur donna l’ordre d’occuper, en se dissimulant dans les broussailles, le faîte des collines. En même temps, pour augmenter la sécurité des Français, il fit cesser le combat contre l’arrière-garde. La colonne cheminait donc en toute confiance, quand, en approchant du défilé, elle vit des flammes s’élever et s’étendre rapidement à travers les herbes et les joncs desséchés du marécage ; elle rabattit naturellement à gauche ; le convoi, allongé sur une file, se mit à côtoyer, sous les rayons brùlans du soleil de midi, le pied des hauteurs. Quelques coups de feu éclatèrent; les flanqueurs de gauche, levant la tête, aperçurent des hommes, en petit nombre, dans le fourré. Le chef du bataillon italien s’imagina qu’une seule compagnie serait plus que