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décousue, meurtrière et coûteuse pour en revenir, — à quoi? tout simplement aux conditions sensées dont on se contente, dont on a raison de se contenter aujourd’hui, après les avoir dédaignées. Le chef du dernier cabinet qui porte si légèrement le poids de ses fautes et qui croit se faire absoudre parce qu’il a laissé à son départ une paix désirée par tout le monde, M. Jules Ferry semble oublier que tout ce qui s’est passé depuis un an est son œuvre; il ne s’aperçoit point que, s’il n’est pas coupable des incidens malheureux qui ont si vivement troublé l’opinion il y a un mois, il est coupable de tout ce qui a précédé, d’une politique stérilement agitée, et que, n’y eût-il que cela, il s’était exposé à périr, à la première occasion, victime de son aventureuse imprévoyance. Le dernier cabinet a payé pour le passé dans cette journée du 30 mars, où il est tombé foudroyé sans avoir eu le temps de dire un mot. Le nouveau ministère n’est pour rien sans doute dans la manière dont ces affaires ont été conduites. Il n’est pour rien dans la guerre, il n’est pour rien dans la paix que M. Jules Ferry lui a léguée toute faite; il n’a pas moins désormais, à vrai dire, une responsabilité assez grave. Cette paix qui vient d’être signée fût-elle en effet sérieuse et sincère de la part de la Chine, comme elle l’est certainement de la part de la France, ce serait une dangereuse méprise de croire que notre politique est dégagée de tout embarras dans l’extrême Orient et de se laisser aller, par un frivole calcul de popularité, à rappeler une partie de notre armée. S’il y a une chose évidente au contraire, c’est la nécessité de laisser pour longtemps au Tonkin des forces suffisantes, et pour protéger une organisation administrative, qui n’est pas l’œuvre la moins compliquée aujourd’hui, et pour garantir cette paix même qu’on vient de reconquérir.

A peine les difficultés de l’extrême Orient paraissent-elles s’apaiser, cependant, un autre incident survient comme pour mettre du premier coup à l’épreuve la diplomatie de notre nouveau ministère. Ce n’est plus cette fois sur le Fleuve-Rouge, c’est sur le Nil que la scène se passe. Les affaires d’Egypte sont décidément de celles qui ne finissent jamais et qui réservent toujours des surprises. Il y a quelques semaines tout au plus, les puissances européennes se sont mises d’accord avec l’Angleterre pour régler la situation financière de l’Egypte. La convention a été signée le mois dernier ; elle est conçue de façon à sauvegarder les garanties dues à l’Europe, en permettant à l’Egypte de faire face à ses engagemens. D’un autre côté, à cette heure même, une conférence est réunie et délibère à Paris pour établir les conditions de la liberté de l’isthme de Suez. C’est le moment que le premier ministre du khédive, Nubar-Pacha, a choisi pour montrer à sa manière la bonne volonté et les égards qu’il a pour les intérêts des sujets français, pour les droits et les privilèges traditionnels de la France. Un journal du Caire, le