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et juridique. Ici aussi, on pourrait invoquer des précédens qui montrent la possibilité et l’utilité de l’alliance. Nous pouvons citer comme un de ces précédens considérables le cours qu’a laissé Rossi, à la fois professeur de droit constitutionnel à la faculté de droit de Paris et d’économie politique au Collège de France. L’esprit large et impartial de Rossi n’avait pas besoin sans doute de cette coïncidence pour opérer un rapprochement auquel le préparaient et le sentiment synthétique qu’il portait dans les sciences sociales et ses travaux antérieurs. C’est son caractère propre de tempérer souvent les côtés trop absolus, trop abstraits de l’école anglaise par les considérations tirées du temps, de l’espace, de la nationalité, et en plus d’un cas par la morale, sans qu’on puisse citer une seule méconnaissance des principes essentiels et de l’esprit libéral de l’économie politique. La même inspiration a fait depuis lors le fond d’écrits dus à des jurisconsultes économistes qui ont su trouver de justes points de contact et de conciliation. On doit signaler comme gages récens de ces directions dignes d’être encouragées, les ouvrages de M. Jourdan, de la faculté de droit d’Aix, sur le capital et sur le rôle économique de l’état, et celui de M. Villey, de la faculté de droit de Caen, sur ce dernier sujet. On y trouve un effort marqué pour faire une juste part à la liberté et à la loi, et, malgré quelques dissentimens, l’accord fondamental entre les deux écrivains est assez sensible pour prouver une fois de plus qu’il n’y a pas incompatibilité entre l’économie politique et le droit sur les questions les plus graves. Nous ajouterons que l’Académie des sciences morales, ayant mis au concours cette même question des Rapports du droit et de l’économie politique, a tout récemment récompensé l’ouvrage de M. Alfred Jourdan, qui l’a traitée méthodiquement et avec un ensemble de vues judicieuses qui donnent un prix véritable à cet excellent travail.

Nous réduirons au choix d’un petit nombre d’exemples, pour ne pas prolonger cette étude outre mesure, l’indication des tendances manifestées relativement à la part de la liberté et de la loi ou de l’état par les nouveaux cours d’économie politique. Nous craignons qu’en plus d’un cas les penchans à l’intervention légale ne se soient donné carrière à l’excès. Je citais tout à l’heure les conclusions indiquées par M. Ch. Gide au sujet de la propriété et de la rente foncière, qui semblent investir le législateur d’un droit de compensation. Assurément la question est délicate, et, quanta la propriété notamment, il y a une part à faire, sous les plus grandes réserves, aux hautes considérations développées ici naguère par M. Alfred Fouillée sur son côté individuel et sur son côté social. Mais si l’élément individuel justifie les apologies des économistes, l’élément