Et aussitôt après :
- O ciel ! tu l’as voulu ; peux-tu vouloir un crime ?
Et, à la fin, il faut qu’il fasse cette déclaration solennelle :
- Et ma reconnaissance et ma religion,
- Tout ce que les humains ont de plus respectable
- M’inspira des forfaits le plus abominable.
Les personnages accessoires, d’ailleurs, ne se font pas faute de renforcer tant de confessions par quantité de sentences. Zopire se lamente ainsi :
- O superstition ! tes rigueurs inflexibles
- Privent d’humanité les cœurs les plus sensibles.
Omar, doublure de Mahomet, pose délibérément cet axiome :
- Le peuple aveugle et faible est né pour les grands hommes.
Il cause avec son maître comme un grand-vicaire libertin avec un évêque philosophe ; il fait allusion, apparemment, à cette crise où les adolescens refusent de renouveler leur première communion, lorsqu’il parle de
- cet âge où la maturité
- Fait tomber le bandeau de la crédulité.
L’artifice, pour nous, est burlesquement grossier ; le pis encore est qu’il n’est pas théâtral. Une tragédie ne doit être que « des passions parlantes » : Voltaire lui-même l’a dit excellemment. À ce compte, comment qualifier Mahomet ? Point de passions qui parlent, dans cet ouvrage, sinon celle de l’auteur ; ses personnages ne sont que ses truchemens. On raconte que le patriarche, lors des amusemens dramatiques de Ferney, se tenait assis dans la coulisse et qu’on l’apercevait de la salle ; de même, ici ; et, plutôt que dans la coulisse, il est sur la scène : au travers des divers masques on le voit à plein ; il se prête aux divers rôles qui doivent compromettre ses ennemis.
Mais quoi ! ce tour puéril était le plus sûr aux yeux des contemporains ; c’est donc précisément ce qui devait leur plaire. Voltaire ne voulait pas seulement émouvoir les hommes par ses pièces, mais les « éclairer ; » il voulait faire « de la tragédie entière une école de philosophie et de morale : » assez de maximes, jetées à l’aventure dans