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en France, par ouvrier de fond, tandis qu’elle est, en Angleterre, de 428 tonnes[1] et, en Prusse, de 346 tonnes. Ces chiffres parlent trop haut pour qu’il soit utile d’insister.

Comment expliquer cette infériorité de la production française ? D’abord les houillères de l’Angleterre et de l’Allemagne sont placées dans des conditions géologiques beaucoup plus avantageuses. En France, les dépôts sont généralement enfouis sous des épaisseurs plus grandes, et il faut employer plus d’ouvriers au fonçage des puits, ainsi qu’aux manœuvres pour la montée et la descente ; les terrains sont plus aquifères et il faut plus de travail pour l’épuisement des eaux, ou moins solides, et il faut les soutenir par un boisage plus coûteux[2]. En France, les couches sont moins régulières, moins étendues ; les failles et les fractures plus nombreuses, les changemens plus fréquens, les pontes plus grandes, et ces obstacles multiplient les frais nécessaires pour le percement des galeries et pour le roulage ; la houille est plus friable, et il faut plus d’ouvriers pour utiliser la poussière sous forme d’agglomérés ; l’impureté du charbon augmente les manipulations de l’extérieur, et l’on ne peut suppléer que par des installations mécaniques perfectionnées au triage et au lavage des houilles extraites ; enfin la dissémination des petits bassins augmente la main-d’œuvre en ne nous permettant pas d’avoir partout un outillage aussi puissant que celui de nos voisins.

Il faut ajouter à ces causes naturelles et permanentes d’infériorité l’élévation croissante des salaires. En 1865, on estimait le salaire moyen à 5 fr. 90 pour l’ouvrier anglais, à 2 fr. 87 pour le Français, le plus haut salaire et le plus bas à 10 francs et 2 fr. 87 pour le premier, à 6 francs et 1 fr. 50 pour le second. Pourtant l’exploitant anglais ne produisait pas à des conditions désavantageuses, parce que ses ouvriers, s’attaquant à des liions plus productifs et plus faciles à traiter, parvenaient à extraire de beaucoup plus grandes quantités. Mais qu’adviendra-t-il de notre industrie minière si, dans ces conditions générales de production, les salaires français s’élèvent au-dessus des salaires anglais ? Or un journal qui soutient avec persévérance, depuis plusieurs années, les prétentions des mineurs, reconnaît que le salaire actuel du mineur de

  1. En divisant le chiffre de l’extraction par le nombre des ouvriers, disait déjà M. de Ruolz, on trouve 313 tonnes par tête et par an en Grande-Bretagne, 169 en France. Par un autre calcul, le même savant arrivait à fixer le rendement quotidien, en 1872, à 647 kilogrammes pour l’ouvrier français, à 1,134 kilogrammes pour l’ouvrier anglais, le premier produisant ainsi 57 pendant que le second produit 100. Voir l’intéressant rapport fait en 1877 à l’Académie des Sciences morales sur les trois volumes de M. de Ruolz, par M. Levasseur, et la Revue du 1er octobre 1876.
  2. En Angleterre, la dépense de ce dernier article ne dépasse jamais 0 fr. 20 par tonne de houille extraite ; en France, elle varie de 0 fr. 75 à 1 fr. 50.