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d’octobre ; elle y a constaté d’abord la situation précaire de l’industrie houillère. Dans les mines, la réduction du travail était de 20 à 25 0/0 ; on renvoyait dix ouvriers sur cent. Les compagnies houillères du Gard jettent un cri d’alarme. Aux termes d’un rapport fait au conseil général de ce département, dans sa session d’août 1884, 100,000 tonnes de charbon environ, représentant une valeur de plus d’un million, restent entassées sur le carreau des mines ; les compagnies, à bout de ressources, sont amenées à chômer un ou deux jours par semaine ; on évalue à 1,000 le nombre des mineurs dont le travail a été supprimé dans tout le bassin, et 1,200 à 1,500 ouvriers qui viennent chaque année des montagnes de la Lozère, de l’Ardèche et du Gard, chercher du travail pendant l’hiver, ne pourront pas être occupés. « C’est dans un avenir prochain, conclut le rapporteur, une crise désastreuse qui, jointe à celle de la métallurgie, va jeter dans la misère plus de 80,000 personnes, ouvriers ou membres de leurs familles, et dépeupler nos centres industriels. »

Il faut reconnaître, en effet, que notre industrie minière résiste moins bien, de jour en jour, à la concurrence étrangère. Nous ne produisons pas, tant s’en faut, autant que nos rivaux. Voici, par exemple, en ce qui concerne la houille, les résultats comparés de 1877, évalués en millions de tonnes[1]. Angleterre, 137 ; États-Unis, 55 ; Allemagne, 48 ; France, 17 ; Belgique, 14 ; Autriche-Hongrie, 14. Nous produisons donc moins que les Anglais et que les Allemands. Si nous produisons moins et plus cher, la lutte est difficile ; augmentons encore le prix de revient, elle devient impossible.

Or une tonne de houille revenait, dans le bassin de la Loire, en 1807, à 8 fr. 45. Dans les houillères du Pas-de-Calais, vers la même époque, le prix de vente était de 12 fr. 47, le prix de revient était évalué à 9 fr. 57, somme sur laquelle 6 fr. 38, c’est-à-dire 67 0/0, appartenaient au salaire. En 1882, d’après les chiffres statistiques produits en 1884 à la tribune par M. le ministre des travaux publics, le prix moyen de vente n’a baissé que de quelques centimes ; il est de 12 fr. 36. Mais il ne monte qu’à 10 fr. 56 pour l’Angleterre, à 9 fr. 70 pour la Belgique, à 6 fr. 08 pour la Prusse. Encore, d’après les derniers calculs de M. E. Dupont, le prix de la tonne de houille descend-il, en Westphalie, à 4 fr. 80 et même à 4 fr. 26. En outre, la production est, pour 1882, toujours d’après M. le ministre, de 265 tonnes,

  1. Bulletin du ministère des travaux publics, 1881, p. 319. La production de la houille s’est élevée dans notre pays, anthracite et lignite comprises, à 20,603,704 tonnes en 1882, à 21,460,199 tonnes en 1883.