législation minière. On reproche, si nous ne nous trompons, aux chambres de 1880, comme à leurs aînées, d’avoir songé d’abord à la prospérité de la propriété minière et de l’industrie minérale, tandis qu’elles reléguaient sur le second plan l’intérêt direct de la démocratie. Or la démocratie se soucie avant tout du mineur. Quelques-uns de ses organes exigent qu’on améliore à tout prix la condition des ouvriers et dépeignent à grands traits, pour forcer notre conviction, leur vie misérable. « Le mineur, lit-on dans les Cahiers de doléances, est, en général, reconnaissable à sa maigreur et à sa pâleur habituelles, par le développement excessif des muscles du tronc, par un corps voûté, par une démarche inégale, des allures tâtonnantes et indécises… La population spéciale des mines disparaîtrait rapidement si elle n’était sans cesse renouvelée, rajeunie et fortifiée par la venue de paysans robustes qui s’étiolent à leur tour et ne font souche, au bout de deux ou trois ans, que d’enfans chétifs et malvenus… Le piqueur (celui qui détache la houille) a quitté son logis au milieu de la nuit, été comme hiver, à quatre heures du matin. Il est midi, il ne sait pas l’heure, il a vidé sa gourde et mangé une miche de pain pendant un repos de 30 minutes, plus nuisible que réconfortant, à cause de la sensation de froid qui le saisit, s’il s’arrête, malgré la température élevée de ce milieu humide ; il attend avec impatience le coup de sifflet du porion, qui l’avertira de sortir de son trou et de gagner la galerie de roulage pour remonter au jour. Il entend enfin ce signal désiré ; il est deux heures. L’homme remonte péniblement. Il suit le méandre des galeries par des chemins accidentés, toujours dans la nuit, les pieds dans l’eau ; il monte, redescend, oblique à droite et à gauche, guidé par le feu terne des lampes et les coups de sifflet du porion, longe les couloirs étroits, empestés, encombrés, se gare des wagonnets lancés à toute vitesse sur les rails. En cheminant, il s’applaudit d’avoir, cette fois encore, échappé au coup de grisou, à l’éboulis, à l’incendie des boisages, à l’inondation, au feu des coups de mine. Il arrive au jour, éreinté, noir, les vêtemens mouillés par sa sueur, les yeux brûlans, l’estomac irrité, la tête pesante ; il a souvent 2, 3 ou 4 kilomètres de marche avant de tomber inerte sur son siège, dans sa misérable demeure, heureux s’il a une veste de rechange et s’il y trouve une famille qui le reçoive avec des sourires. Il a peiné pendant douze heures ; il va dormir pendant huit à dix heures et retombera le lendemain dans cet enfer que Dante n’a pas osé rêver. »
Nous ne contestons pas, quoiqu’il y ait assurément dans cette peinture sinistre un abus des teintes fortes, les souffrances des ouvriers mineurs. Leur vie est dure, leur métier pénible. On a fait beaucoup