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à outrance le régime du laisser faire. L’étude des droits conférés à la couronne par la constitution britannique n’est plus aujourd’hui qu’un amusement d’archéologue. Les propriétaires fonciers, s’ils veulent utiliser les matières minérales que renferme leur sol, ne relèvent que d’eux-mêmes et peuvent ouvrir des mines sans la permission du gouvernement. Ce système enrichit le peuple anglais, qui a extrait, en 1879, 133, 720,293 tonnes de charbon et 9,387,766 tonnes de minerais de fer. On assure qu’il ne convenait pas au tempérament de la France, et peut-être n’a-t-on pas tort. Mais ce qui nous conviendrait moins encore, à coup sûr, c’est d’opposer un régime de complète servitude à ce régime de complète liberté. Au demeurant, la loi de 1810, telle que le bon sens français l’a comprise et pratiquée, ne nous a pas trop mal réussi, puisque la production totale du combustible minéral s’est élevée chez nous, entre 1812 et 1883, de 820,000 à 21,446,199 tonnes ; que, pour 1883, celle des fontes atteint 2,067,387 ; celle des aciers, 509,045 ; celle des fers, 968,068 tonnes. Si l’on doit un jour corriger cette loi, ce sera pour donner un nouvel élan à l’initiative individuelle, soit en faisant la part plus belle aux inventeurs, soit en limitant dans l’avenir le pouvoir discrétionnaire de l’administration par le système des adjudications publiques. Mais il faudrait, avant d’appliquer l’utopie des novateurs rétrogrades, c’est-à-dire de tout livrer à la collectivité, songer que nos rivaux, nos concurrens, dont plusieurs nous égalent et quelques-uns nous dépassent, ont suivi notre exemple ou ne s’en sont écartés que pour amoindrir le rôle de l’état eu émancipant plus ou moins complètement l’industrie privée.


II

On se tromperait d’ailleurs en accusant les divers gouvernemens qui se sont succédé dans notre pays d’un respect superstitieux pour l’œuvre de 1810. La plupart d’entre eux ont travaillé soit à en combler les lacunes, soit à en corriger les défauts. Dès le 3 janvier 1813, un décret impérial déterminait les mesures à prendre pour les concessionnaires lorsque « la sûreté des exploitations ou des ouvriers » serait « compromise » : on reconnut au bout de trente ans qu’il y avait lieu d’amender ce décret sur divers points, et l’ordonnance du 26 mars 1843 en remania les dispositions. Une instruction médicale avait été rédigée le 9 février 1813, en exécution du même décret et régulièrement approuvée par le ministre de l’intérieur : le gouvernement de la république, comprit, en 1877,