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veux parler des capitaux dépensés pour la mise en valeur des mines. Par exemple, M. Vuillemin, directeur des mines d’Aniche, a prouvé dans trois opuscules publiés en 1879, en 1882 et en 1883 que les trente-trois sociétés concessionnaires des mines de houille ouvertes dans les bassins du Nord et du Pas-de-Calais avaient dépensé réellement ou immobilisé, depuis leur origine, un capital de 346 millions, correspondant à 40 francs par tonne de houille extraite annuellement : admettant (et cette induction est légitime) que les mines de houille avaient, dans les autres bassins français, immobilisé, pour créer leur exploitation, le même capital de 40 francs par tonne, il arrivait au chiffre total de 800 millions pour l’ensemble des 336 houillères exploitées en 1880, puisque la production de la houille était, cette année-là, de 20 millions de tonnes et concluait, le bénéfice réel de ces 336 houillères n’ayant pas dépassé 38 millions, que cette branche importante de l’industrie minérale obtenait seulement un intérêt de 4.7 pour 100 de son capital immobilisé. Donc on se trompe si l’on se figure que l’énormité des bénéfices appelle ou permet une aggravation des charges.

On porterait le coup suprême à l’industrie minière en limitant la durée des exploitations. Tel est pourtant le dernier mot de la réforme : l’état ne pourrait plus conférer le droit d’exploiter que « pour un temps déterminé. » C’est ainsi que les utopies contemporaines nous ramènent aux pratiques stériles d’un autre siècle, comme si les mêmes fautes ne devaient pas engendrer les mêmes conséquences ! La république Argentine tente, en ce moment, d’attirer des colons sur des terres incultes et ne croit pouvoir les décider qu’en leur offrant, d’après l’exemple des États-Unis et de l’Australie, une propriété définitive. Si l’on a pu critiquer ce système appliqué à la surface du sol, il y a cent raisons de l’adopter quand il s’agit du tréfonds minéral. Celui qui sollicite une concession ne doit-il pas démontrer par des travaux préalables l’existence d’un gisement susceptible d’être exploité ? La concession obtenue, ne fera-t-il pas de nouvelles dépenses pour la mettre en valeur ? Tous ces capitaux une fois engagés, la première période de l’exploitation ne sera-t-elle pas le plus souvent infructueuse ? Les travaux des premiers exploitans, tout le monde le sait, ne deviennent généralement productifs qu’à la suite de longs efforts. Dès lors comment se lancer dans une entreprise nécessairement aléatoire, alors qu’on n’aura pour toute compensation que la perspective d’une jouissance limitée ? Il est pourtant facile de comprendre que, si le droit d’exploiter doit prendre fin au moment où les capitalistes commenceraient à rentrer dans leurs avances et sans qu’ils aient eu le temps d’amortir le capital engagé, ils ne se présenteront pas. Ceux qui n’auront pas reculé se trouveront presque toujours placés dans cette alternative : se ruiner