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lorsque, divisant le tréfonds de ces deux pays en mines inconnues et connues, ils ont, quant aux premières, appliqué les idées de Turgot. On s’attachait, en France, depuis un siècle, à l’objection surannée de Mirabeau : comme il est impossible de préciser au juste le droit de l’inventeur et de l’étendre à toutes les dépendances de la mine, même à celles qu’il n’a pas entrevues ni soupçonnées, d’autres occupans, disait-on, ne manqueront pas d’apparaître et se présenteront à la fois sur divers points ; on aboutirait donc, puisqu’il est impossible d’exploiter les gîtes minéraux si l’on n’a pas un champ suffisant d’exploitation, à la subdivision indéfinie du tréfonds minéral, à des conflits sans issue et au gaspillage. L’exemple de plusieurs nations contemporaines, au premier rang desquelles il faut placer la Prusse, absout l’économiste et ferme la bouche à l’orateur. La commission des mines de l’Annam et du Tonkin vient de résoudre cette partie du problème, comme on l’avait résolue en Prusse il y a vingt ans, c’est-à-dire par la délimitation faite d’après les données de la science technique et les leçons de l’expérience, du périmètre réservé à l’explorateur[1].

Quel est donc, dans l’extrême Orient, notre premier intérêt ? C’est que les mines inconnues soient découvertes. Pour atteindre ce but, il faut trouver le meilleur moyen d’en provoquer la recherche. « Or le moyen le plus efficace pour encourager en cette matière l’initiative privée est à coup sûr, ainsi que le montre une expérience déjà longue dans plusieurs pays, de donner à l’explorateur la possibilité d’entreprendre librement ses travaux de recherche et la certitude qu’il recueillera intégralement le fruit de tous ses efforts, c’est-dire de lui reconnaître la propriété des gîtes qu’il prétend avoir découverts. » En raisonnant ainsi, la commission a bien raisonné. C’est pourquoi, d’après le projet, « tout individu ou toute société » pourrait désormais acquérir, « par priorité d’occupation, » un droit exclusif de recherche en périmètre réservé dans tout terrain, libre de droits antérieurs, qui ne se trouve pas compris dans une région affectée aux adjudications publiques. On supprime toutes les formalités inutiles ou gênantes. Rien, dans les terrains domaniaux, n’entravera la recherche : il suffira, dans les terrains privés, d’obtenir le consentement du superficiaire, qui recevra d’abord une indemnité d’occupation ; c’est seulement à défaut d’entente amiable que l’administration interviendra pour donner ou refuser une autorisation. L’explorateur sera tenu de former, au bout de trois ans au plus, une demande en délivrance de la propriété : il recevra

  1. Art. 9, 10 et 11 du projet. D’après l’article 9, « le périmètre réservé, de forme rectangulaire, aura une superficie minimum de 21 hectares et une superficie maximum de 100 hectares pour les gîtes d’alluvion, 400 pour ceux de houille et 160 pour les autres. Le petit côté du rectangle ne pourra avoir moins du quart du grand côté. »