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a demandé aux ports un projet d’organisation de ce corps spécial, qui sera un corps de mécaniciens torpilleurs et constituera une spécialité de plus parmi les marins. Par malheur, il y a loin de la mise à l’étude à l’organisation du corps, aussi loin, pour le moins, que de la coupe aux lèvres. Et la plus haute des spécialités n’est pas celle des mécaniciens, c’est celle des officiers : que fait-on pour elle ? Rien ou presque rien. Nous avons parlé de la défense mobile ; mais n’est-on pas pris d’un profond découragement lorsqu’on songe que cette défense, qui devrait être une grande école de commandement, ne peut pas mettre en moyenne plus de deux torpilleurs en ligne par port ? Nous réservons, en effet, le nom de torpilleurs aux bateaux capables de lancer des torpilles, non aux thornycrofts, qui n’ont encore servi qu’à faire des promenades en mer et qui sont dépourvus de tout appareil militaire. Quelques exercices de chauffe, mais pas de lancemens de torpille ; quelques manœuvres ridicules de tactique, mais aucune attaque faite dans les conditions de la guerre ; quelques sorties de nuit, mais aucune reconnaissance de la côte ; rien enfin de ce que l’on serait appelé à faire le jour où les hostilités seraient ouvertes : tel est le bilan de nos défenses mobiles ! Nous n’avons pas dans notre marine six officiers ayant lancé des torpilles sur but mobile : telle est la vérité, obstinément niée au ministère de la rue Royale !

Les étrangers tirent tous les ans, avec leurs torpilleurs, et contre un but mobile ou non mobile, deux torpilles réellement chargées et amorcées. Nous n’avons jamais osé faire cet exercice ; nous avons eu, il est vrai, la grande audace d’exécuter deux explosions de torpilles automobiles lancées à l’aide du tube carcasse, c’est-à-dire d’un tube placé sous l’eau en un point immobile ; mais ces lancemens se sont faits après avoir pris grand soin d’éloigner à des distances absurdes le personnel de manœuvre. Et c’est tout ! Jamais, jamais jusqu’ici nous n’avons tiré une torpille d’un torpilleur en marche ! Quel courage cette façon d’agir peut-elle donner au personnel ? Il va jusqu’à croire, ou du moins jusqu’à dire que le lancement est dangereux, que la torpille risque de ne pas sortir du tube ou d’aller au fond et d’éclater sous le torpilleur, etc., etc. Qui sait si de pareilles idées n’influeront pas, au moment du combat, sur l’audace, sur la résolution des assaillans ? Il est absolument nécessaire, non seulement que ceux-ci sachent lancer les torpilles, mais encore qu’ils aient une entière confiance dans l’engin qui leur est donné ; qu’ils soient parfaitement sûrs qu’il n’éclatera pas dans le tube de lancement, et que, s’il va au fond, il ne fera aucun mal au torpilleur passant au-dessus de lui. On n’obtiendra ce résultat qu’à l’aide d’exercices réguliers, et aussi nombreux que