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l’avenir. Il aurait fallu saisir au vol les dispositions qu’elles nous manifestaient et s’assurer leur assistance par d’inviolables traités. Mais l’empereur n’était pas seulement fataliste, il était flegmatique, il remettait tout au lendemain ; il lui répugnait de s’engager, il lui plaisait de laisser une porte entre-bâillée à la fortune. » Il se laissa distraire de ses vrais intérêts par les vagues assurances et les négociations dilatoires de M. de Bismarck. Il tachait de se persuader que la Prusse lui voulait du bien, qu’elle était disposée à lui accorder les compensations qu’il réclamait, qu’on finirait par s’entendre, et il passait de la confiance au doute, du doute au repentir. Il avait le goût des fils brouillés, des demi-partis, et tout en ouvrant l’oreille aux propositions qui lui venaient de Berlin, il ne renonçait pas à négocier avec l’Autriche et l’Italie. » Les trois souverains continuèrent à échanger des lettres et à se promettre une assistance réciproque, sans rien préciser toutefois. Ces lettres ne servirent qu’à entretenir les illusions de l’empereur. Il s’en exagéra l’importance, il les considéra comme l’équivalent d’un traité. »

Quand survint le fatal incident espagnol, rien n’était réglé, rien n’était fait, et, pour surcroît de malheur et d’imprudence, l’empereur, sourd à tous les avertissemens, déclara la guerre sans s’être concerté avec ses amis. C’était leur rendre toute la liberté de leurs décisions. Cependant il ne désespérait pas de les faire entrer dans sa querelle ; mais il laissa traîner la négociation, il ne sut pas se résoudre aux grands sacrifices. Il offrait à l’Italie, en échange de son concours, d’en revenir à la convention du 15 septembre, en retirant de Rome notre corps expéditionnaire. Ce n’était pas assez ; l’Italie était décidée à ne pas laisser échapper cette occasion de s’emparer des états pontificaux. Elle avait le vent en poupe ; libre de tout engagement contractuel, tout le monde la recherchait. L’Autriche désirait conclure un accord avec elle, la France réclamait son secours, l’Angleterre et la Russie lui conseillaient l’abstention, la Prusse faisait appel à ses convoitises. Elle n’avait garde de repousser le traité que l’empereur lui offrait de signer de compte à demi avec l’Autriche. Mais elle demandait six semaines pour organiser ses armées ; elle n’entendait pas s’engager avec un vaincu, elle laissait à la fortune le temps de se prononcer. Au surplus, quoi qu’il arrivât, elle voulait s’assurer la possession de Rome, que l’empereur lui disputait encore. « A la date du 30 juillet, notre ministre des affaires étrangères opposait des refus catégoriques à tous ceux qui, de près ou de loin, s’efforçaient de nous engager dans la voie des transactions sur la question du pouvoir temporel. Il donnait l’ordre au prince de La Tour-d’Auvergne, notre ambassadeur à Vienne, de dire au général Turr qu’il nous était impossible de faire la moindre concession au sujet de Rome. « Si l’Italie ne veut pas marcher,