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983,000 francs[1]. » M. Le Play demandait la liquidation immédiate de la caisse de la boulangerie ; et il terminait en souhaitant le retour au droit commun.


IV

Les vues de l’illustre économiste ont prévalu depuis vingt ans. Le moment est-il venu aujourd’hui de recourir aux anciennes méthodes ? Est-il prouvé que le principe de la liberté du commerce, appliqué après tant d’hésitation, même aux objets de première nécessité, doive être abandonné ? La disette existe-t-elle, et la cherté du pain va-t-elle devenir excessive ? La taxe, avec les conséquences qu’elle entraîne, serait-elle justifiée ? Nous ne saurions le croire. Il n’y a point de disette ; on ne saurait, et loin de là, redouter la rareté et la cherté des grains. Mais on peut chercher à porter remède à d’autres maux. Il y en a deux principaux : le préjugé contre le pain de deuxième qualité, qui fait retirer de la consommation les farines bises ; la coalition des boulangers, qui leur permet de se soustraire aux lois de l’offre et de la demande, et de maintenir le pain à un prix élevé quand le blé est à vil prix. Nous comptons sur la liberté pour rompre peu à peu cette coalition et venir à bout de ce préjugé. Nous espérons aussi de bons effets de la taxe officieuse, qui n’est qu’un avis destiné à éclairer les acheteurs et même les vendeurs.

Dans la taxe officieuse, il serait question du pain de seconde qualité : non pas du pain noir qu’on mangeait sous la terreur, fabriqué par ordre, avec des farines blutées à 15 pour 100 ; mais de ce pain bis blanc, fait de farine blutée à 25 pour 100, qui est plus nourrissant que le blanc, qui fut longtemps le principal aliment des Parisiens, et auquel on renonça, suivant M. Le Play, à partir de l’établissement du système réglementaire en 1801. Persuader aux Parisiens d’y revenir serait leur rendre un grand service.

L’économie de 0 fr. 05 par pain de quatre livres, maximum de ce qu’ils peuvent attendre de la taxe, est négligeable. Mais l’économie de 0 fr. 12 à 0 fr. 15 par pain de quatre livres donnerait à la fin de la semaine à une famille de quatre personnes un total de 1 franc environ, et la famille ne s’en porterait pas plus mal. Il serait plus important qu’on ne croit de faire adopter un nom, « pain de ménage, » par exemple, qui ne froissât point l’amour-propre des acheteurs. Les meuniers trouveraient alors le placement des farines de seconde

  1. Rapport de M Le Play, p. 110.