Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 68.djvu/618

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

proportions de ce qui s’est passé, le 26 août 1883, lors de l’éruption du Krakatau. Les mugissemens furent entendus à Ceylan, au Birman, à Manille, en Nouvelle-Guinée et sur la côte occidentale de l’Australie, ainsi que dans tous les lieux plus rapprochés du volcan. Si, du Krakatau comme centre, on décrit un cercle avec un rayon de 30 degrés ou 3,000 kilomètres, ce cercle passe par les points les plus éloignés où le bruit ait été perçu. La distance des points extrêmes, de l’est à l’ouest, est donc de 60 degrés, ou un sixième de la circonférence terrestre, et la superficie de ce cercle, ou plutôt du segment sphérique, est de plus du quinzième de la surface du globe. Lors de l’éruption du Tambora, dans l’Ile de Sumbava, en 1815, le rayon du cercle dans lequel le bruit se fit entendre était moitié moindre, c’est-à-dire de 15 degrés ; la superficie était donc environ quatre fois plus petite.

Le bassin des mers est ébranlé tout aussi bien que la terre ferme. Ce qui le démontre, ce sont les chocs qu’éprouvent les navires situés au large, sans qu’on en aperçoive aucune cause extérieure, chocs qui font croire que l’on touche brusquement un bas-fond. Ce sont de véritables tremblemens de mer.

En outre, les mouvemens du littoral, pour peu qu’ils soient intenses, se transmettent à la masse liquide. La mer se retire du rivage, laissant le fond à sec sur une étendue qui est parfois de plusieurs kilomètres ; puis elle revient rapidement sur elle-même, et, franchissant sa limite normale, elle se précipite avec fureur et comme à l’assaut vers l’intérieur du pays, sous la forme d’une énorme vague que l’on a vue souvent, au Chili, atteindre une hauteur de 30 à 40 mètres ; ensuite elle se retire en ramenant au large ce qu’elle a arraché sur son passage. Cette terrible oscillation se répète trois ou quatre fois avec une énergie décroissante, à moins que les mouvemens du sol ne persistent. Ces invasions d’eau ou raz-de-marée, nommées salida de la mar dans l’Amérique du Sud, sont bien plus redoutées des habitans, qui en ont l’expérience, que les secousses mêmes du sol.

D’ailleurs, les grandes vagues se propagent dans l’océan, bien loin du centre initial d’ébranlement. Le 22 décembre 1854, douze heures après le tremblement de terre qui rasa la ville de Simoda, au Japon, une vague formidable se précipita, sur les côtes de la Californie, après avoir parcouru 8,900 kilomètres. En 1868, une grande vague, d’une origine semblable, détruisit Arequipa et Arica, au Pérou, en faisant périr 30,000 personnes. Cette vague paraissait venir d’Honolulu, d’où elle était arrivée en douze heures, c’est-à-dire avec une vitesse de 717 kilomètres à l’heure. Jamais on n’a mieux vu que lors de l’éruption du Krakatau combien les vagues, provoquées par des agitations souterraines, peuvent avoir