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mer, quelques tribus avaient dérivé du côté d’Oran. Quatre douars des Sméla, de ceux qu’avait atteints la surprise du 5 août, s’étaient même fait rendre par le général Desmichels leurs femmes, leurs enfans et leurs troupeaux à la condition de faire soumission à la France et de venir planter leurs tente à Misserguine. Le traité, car il y avait un engagement écrit, était en chemin de s’exécuter, quand Abd-el-Kader, voulant couper court à ces essais de rapprochement qui étaient d’un mauvais exemple, porta son camp dans la plaine du Tlelate, fit arrêter par l’influence des marabouts les convois qui se dirigeaient sur les marchés d’Oran, de Mostaganem et d’Arzeu, parvint à ramener les Sméla dissidens sous son obéissance et ne reprit le chemin de Mascara qu’en laissant derrière lui la menace de sa vengeance contre les traîtres qui auraient commerce avec les Français. Déjà même, il avait fait enlever plusieurs grands des Bordjia coupables d’avoir envoyé du grain à Mostaganem.

Effrayé du sort qui les attendait et jaloux de gagner les bonnes grâces de l’émir, un cheikh de la même tribu, Kaddour, qui venait d’avoir avec Arzeu des relations suivies, s’y présenta un jour avec trois ou quatre bœufs ; quand il les eut vendus, il affecta la crainte de tomber entre les mains des partisans d’Abd-el-Kader et demanda d’être escorté jusqu’à un endroit qu’il désigna. C’était une faveur qui avait été plusieurs fois accordée à d’autres. On le fit accompagner par un maréchal des logis et quatre cavaliers des chasseurs d’Afrique. Ils n’avaient guère fait plus d’un kilomètre quand une soixantaine d’Arabes, embusqués par Kaddour, se jetèrent sur eux ; deux des chasseurs furent tués ; un troisième fut pris avec le sous-officier ; un seul parvint à regagner le fort. Les deux prisonniers, conduits à Mascara et livrés à l’émir, furent en vain réclamés par le général Desmichels. Abd-el-Kader soutint que la capture était de bonne guerre et que, s’il consentait à les rendre, ce ne serait qu’au prix de mille fusils par homme. En même temps, l’émir défiait le général au combat, dans la plaine, à deux journées de marche de Mascara et d’Oran.

Le 2 décembre, une division de deux mille baïonnettes, de quatre cents sabres et de deux batteries d’artillerie se mit en marche à six heures du soir ; les hommes n’emportaient que deux rations de pain et de viande salée. C’était encore une surprise à tenter, mais, cette fois, contre Abd-el-Kader campé à Temezoura, dans la plaine de Mléta. A cinq heures du matin, le colonel Oudinot, qui avait remplacé à la tête des chasseurs le colonel de Létang, se lance avec trois escadrons sur les premières tentes qui sont en vue ; tout est emporté ; par malheur, ce n’est pas le camp d’Abd-el-Kader, qui est plus loin et d’où l’on voit de nombreux cavaliers sortir. La surprise est