Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 68.djvu/558

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rejoindre, s’enfuirent au plus vite : la garnison avait fait un peu trop tôt sa décharge. Le 30, vers deux heures du matin, une autre bande plus nombreuse vint, avec une pièce d’artillerie de très petit calibre, attaquer le monstre ; un boulet brisa l’extrémité d’une poutrelle de l’étage supérieur, et ce fut tout. Le 31, les tirailleurs arabes se présentèrent en assez grand nombre ; mais cette démonstration n’était que pour masquer un mouvement général de retraite ; en effet, le soir même, les tentes furent repliées et les contingens se dispersèrent. Le monument de cette prise d’armes reçut le nom de blockhaus d’Orléans.

Le 11 juin, le général Desmichels fit, sans rencontrer d’ennemis, une promenade militaire à Misserguine et à Bridia, où fut établi le bivouac ; c’était la première couchée que les troupes d’Oran faisaient hors des murs ; elles y rentrèrent le lendemain, saluées enfin de quelques coups de fusil. Pendant cette excursion, un cheikh des Beni-Ameur, ayant trouvé libre le chemin d’Oran, y avait amené un convoi de chameaux et d’àncs chargés d’orge et de blé. Ce cheikh, très intelligent, parlait bien l’espagnol ; le général, à son retour, voulut se servir de lui pour amener d’autres chefs arabes à nouer avec les Français des relations de commerce et de bon voisinage ; afin de l’accréditer, il le chargea de ramener aux Gharaba les femmes et les enfans qui leur avaient été enlevés dans la surprise du 8 mai.

Depuis sa dernière tentative sur Oran, Abd-el-Kader travaillait à recruter de nouvelles forces en étendant de plus en plus le rayon de son autorité. C’était Tlemcen surtout qu’il souhaitait d’y soumettre. Mascara sans doute était une ville importante ; mais Tlemcen, la reine du Moghreb, l’ancienne capitale d’un royaume, avait aux yeux des Arabes un bien autre prestige. Deux partis divisaient la cité, ou plutôt il y avait deux cités dans la même enceinte, le Méchouar, château fort, ancien palais, occupé dès avant 1830 par un millier de Turcs et de Coulouglis, et la ville où dominaient les Hadar, ainsi nommait-on dans la régence les Maures, habitans des villes ; ceux-ci avec leur kaïd, Ben-Nouna, étaient en grande majorité partisans du Maroc. Quand Abd-el-Kader se présenta devant eux, réclamant leur soumission, ils essayèrent de résister, mais, attaqués de front par les goums de l’émir et pris à revers par les Coulouglis du Méchouar, ils furent facilement battus ; Ben-Nouna s’enfuit de l’autre côté d la frontière marocaine. Par son habile et sage modération, le vainqueur se concilia si bien les vaincus qu’ils abandonnèrent la cause du sultan de Fez et se donnèrent sans réserve à l’émir de Mascara. Pour achever son triomphe, il aurait fallu que les Coulouglis, dont la diversion dans le combat lui avait été si utile, lui ouvrissent les portes du Méchouar ; avec force complimens, ils les