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voirs financiers dans leur plénitude, et toutes les fois que cette question reparaît, on ne manque pas d’invoquer l’Angleterre, où la chambre des communes dispose, seule aussi, des finances publiques, où la chambre des lords se borne le plus souvent à voter presque sans discussion le budget. D’abord ce n’est pas toujours vrai, les pairs d’Angleterre ont plus d’une fois revendiqué et exercé leurs droits sur les finances ; mais de plus, et c’est ici pour le moment le point essentiel, on oublie que cette chambre des lords est une assemblée d’un ordre particulier, qu’elle représente des privilèges aristocratiques et ecclésiastiques, des droits héréditaires, des traditions historiques, des forces sociales indépendantes ; elle a une origine qui lui fait une place à part, nullement subordonnée, dans les institutions britanniques. Les chambres des pairs françaises, quand il y en a eu, avaient, elles aussi, l’hérédité, ou elles étaient nommées par le roi. Il n’en est pas de même apparemment aujourd’hui en France, où les deux assemblées, sous des formes diverses, sont issues de l’élection, d’un vote populaire, et où, sauf cette priorité du vote des taxes attribuée à la chambre des députés, les droits sont égaux entre les deux pouvoirs selon la constitution et selon la nature des choses. Qu’il puisse s’élever des conflits d’opinions, qu’il y ait des divergences de votes, c’est à peu près inévitable et c’est même souvent utile ; c’est la conséquence la plus simple, la plus naturelle de la coexistence de deux chambres, qui ne sont une garantie que si elles représentent la discussion libre, contradictoire des intérêts du pays, avec la sanction d’un vote indépendant. Le seul moyen connu de dénouer ces conflits, comme l’a justement dit M. Ribot, c’est la sagesse, l’esprit de conciliation et de transaction, c’est l’accord imposé par le sentiment de la nécessité et d’un devoir public aux deux assemblées. Hors de là tout est désordre ou usurpation.

C’est évident et clair comme le jour ; mais il y a dans ces débats, toujours oiseux ou périlleux, un fait plus grave qui touche aux conditions les plus essentielles de l’ordre politique, d’un gouvernement régulier et de la paix publique. Il ne s’agit pas seulement d’une simple question financière. Ces crédits, sagement rétablis au Luxembourg, obstinément supprimés au Palais-Bourbon, ils sont pour la plupart inscrits au budget dans l’intérêt d’institutions ou de services créés, organisés, consacrés par des lois, quelquefois par des conventions diplomatiques. Le bataillon de gendarmerie mobile, les aumôniers militaires, ont leur place dans une loi qui n’est pas abrogée. Les facultés de théologie ont été créées avec l’université et en font partie. Le chapitre de Saint-Denis a été constitué d’accord avec le saint-siège. Les chanoines, les séminaires, se rattachent aux lois organiques du concordat. Est-ce qu’il est possible sérieusement d’admettre