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des massifs montagneux de chaque période nous est généralement inconnue ; mais en interrogeant la flore tertiaire du Spitzberg et celle de la Terre-de-Grinnel, par 78 degrés et 81°,44’ latitude nord, nous rencontrons non-seulement des sapins, mais encore une espèce tellement rapprochée du sapin argenté d’Europe que Heer l’a identifiée sans hésitation à celui-ci. Ainsi nous aurions reçu des régions polaires le sapin, qui actuellement ne dépasse pas l’Europe moyenne et se trouve exclu, à l’état spontané, de la Grande-Bretagne et de la Scandinavie. Le sapin, ordinaire aurait justement habité ces deux pays avant de pénétrer en Allemagne et en France et de venir s’y substituer à d’autres sapins plus anciens que lui sur notre sol, éliminés eux-mêmes et relégués maintenant sur les montagnes du sud de l’Europe, telles que la Sierra Nevada, le Parnasse et le Mont-Olympe. Effectivement, les découvertes de M. Rames dans les déjections ou « cinérites » de l’ancien volcan du Cantal ont procuré les écailles et les rameaux d’un sapin tertiaire prédécesseur du sapin argenté et strictement intermédiaire aux sapins actuels de Numidie, d’Apollon et du Mont-Olympe. Les différences entre tous ces sapins se réduisent, lorsqu’on s’attache à les définir, à de faibles nuances relatives à la forme des écailles, à la dimension des cônes, à la terminaison acérée, arrondie ou échancrée du sommet des feuilles. C’est en émigrant d’abord, en se cantonnant ensuite sur une chaîne ou dans une contrée que ces formes ont fini par revêtir les caractères qui les distinguent. Le sapin argenté, introduit en Allemagne dans le cours du tertiaire, s’est étendu à la faveur du refroidissement du climat ; il s’est ainsi substitué à ses devanciers ; il s’est cantonné à son tour, puisqu’il habite les Alpes, le Jura, le Cantal, les Pyrénées sans se montrer dans les plaines et vallées intermédiaires. Il pourrait, à son tour, varier sous l’influence des conditions locales ; déjà même la race du Cantal a paru se distinguer par certains côtés. Mais le temps seul peut, en consolidant ces nuances, les rendre assez sensibles pour justifier une séparation. Il est certain toutefois que d’une espèce de sapin à une autre la distance se réduit le plus souvent à des variations de détails si peu tranchées que le botaniste parvient à peine à les définir.

Les traces répétées et instructives laissées par le lierre éclairent d’un jour précieux l’histoire de cette plante. Actuellement, le lierre est, parmi les végétaux de l’ancien monde, un des plus répandus, bien qu’il soit absent de l’Amérique. Il s’étend du nord de l’Algérie et des îles Canaries jusqu’en Suède, et de l’Irlande au Japon, dans le sens des méridiens. À l’intérieur de l’Asie, il pénètre jusqu’au nord de l’Inde, dans les hautes vallées sous-himalayennes. Dans cet immense périmètre, il présente une foule d’aspects et se subdivise