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térieur en empêchant la déperdition immédiate de celle-ci. Cette déperdition entraîne, comme on le sait, le dessèchement de la plante ; cela arrive inévitablement soit à l’algue tirée de l’eau, soit à la plante terrestre arrachée, sauf dans des cas exceptionnels, si elles ne sont pas promptement remises dans leur état normal.

Nous ne possédons pas ces premières ébauches de la végétation terrestre s’essayant à l’air libre sur un sol récemment émergé, exposé à de fréquens retours de l’élément liquide ; mais nous savons que la distinction du sol mis à sec, de « l’aride, » comme dit l’Écriture, et du sol immergé, recouvert à demeure par les eaux, ne se fit pas en un jour et qu’il régna longtemps entre eux une sorte de confusion. De même, et pour ne pas quitter la Bible, qu’il n’est pas inutile d’invoquer même en pareil sujet, la séparation des eaux inférieures et supérieures, de celles que l’océan réunit dans un seul bassin et de celles qui flottent à l’état de nuages au sein de l’atmosphère, ne fut réalisée que très graduellement. Les deux mondes aquatiques communiquèrent longtemps et se mêlèrent à leur point de contact mutuel tant que les eaux encore tièdes exhalaient des masses de vapeurs, et que ces vapeurs, à peine parvenues dans une zone supérieure plus froide, se précipitaient en se condensant de nouveau. Les plantes terrestres primordiales furent donc baignées de toutes parts, et elles mirent sans doute un temps très long à sortir de ce premier état. Elles étaient comme ces algues que découvre à peine la marée basse pour les plonger bientôt dans les nouvelles vagues, comme ces mousses et ces fougères qui bordent les cataractes et sur lesquelles s’épanche une buée toujours ruisselante. Aussi bien, c’est ce qui ressort le plus clairement de l’examen des végétaux houillers dont les plus grandioses, avec leurs tissus à la trame lâche et leurs feuilles démesurées, assimilables à ces plantes gorgées de sucs qui croissent au plus profond des forêts vierges tropicales, auraient immédiatement fléchi, une fois exposées aux froides clartés de notre ciel et au contact de la sérénité de notre atmosphère. Les premières plantes aériennes ne pouvaient pas plus se passer de tièdes averses que les plantes aquatiques actuelles de vivre submergées. Non-seulement ce que l’on sait de leur port et de leur structure, de l’énorme extension de leurs parties vertes, le prouve surabondamment ; mais la nécessité où sont encore les types qui les représentent le mieux d’avoir recours à l’eau, comme véhicule de leurs élémens reproducteurs, atteste irrécusablement cette présence obligée du milieu liquide présidant à la naissance, puis au développement de la végétation. L’uniformité complète de cette flore initiale par tout le globe et son exubérance relative à partir