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genres et les espèces que l’on considère. On donne le nom de « siphonées » aux algues de cette sorte, dont le nombre est relativement restreint et la taille assez médiocre au sein des mers actuelles ; mais elles paraissent au contraire avoir été multipliées au-delà de toute mesure et avoir atteint un degré de force et de puissance qu’on n’avait pas soupçonné jusqu’ici dans le fond des mers primitives. Cette marche est du reste en parfait rapport avec celle qui nous parait avoir été imprimée à l’origine au règne végétal tout entier.

Ainsi les plantes auraient obéi dès l’origine à une double impulsion : les unes demeuraient unicellulaires, et c’est alors sur la cellule même que portaient les différenciations ; les autres devenaient pluricellulaires, et, dans ce second cas, c’est l’agrégat qui se différenciait de plus en plus, tandis que la cellule conservait, à peu de chose près, la simplicité de sa structure première. — Bien plus rapprochées que les plantes terrestres, surtout que les plantes terrestres supérieures, du double point de départ que nous venons de signaler, les algues n’ont éprouvé que des oscillations morphologiques d’une assez faible étendue. Leurs espèces rentrent aisément dans un cadre étroitement déterminé par les conditions biologiques de leur habitat. La seule considération de l’apparence extérieure ne suffirait pas pour guider celui qui veut apprécier la mesure exacte de leurs affinités relatives : l’étude microscopique et comparative de leur structure intime devient alors nécessaire ; elle l’est également en ce qui concerne les plantes terrestres les plus inférieures, telles que les lichens et les mousses. Mais ceux-ci ne sont qu’à moitié affranchis de l’élément aquatique ; ils se dessèchent sans mourir, à l’air libre, et l’humidité leur est indispensable pour végéter et se reproduire.

Les plantes décidément terrestres sont le résultat d’une élaboration infiniment plus complexe et plus prolongée. Il a fallu qu’à l’organisation élémentaire, suffisante pour l’habitat sous-marin, vinssent se joindre, chez elle, de nouveaux appareils combinés de façon à suppléer l’absence du fluide ambiant et nourricier. La plante n’a pas acquis, comme l’animal devenu terrestre, des poumons pour respirer, ni des cavités viscérales pour digérer ; l’animal lui-même n’est parvenu que plus tard au degré de perfection organique qui lui a permis de quitter l’eau définitivement. La plante, au contraire, a de bonne heure émigré sur le sol humide ; mais il a fallu, pour qu’elle réussit à s’y naturaliser, qu’elle eût recours à des procédés à la fois simples et efficaces : d’une part, c’est l’appareil rhizoïde qui la fixe au sol, et, de l’autre, le tégument cortical qui met un mur de séparation entre l’air extérieur et l’eau qui la baigne à l’in-