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Electeur sénatorial du Finistère, aurait prononcé une allocution dans une réunion privée ! Il aurait même donné, à ce qu’il paraît, sa bénédiction à ceux qui la demandaient, et c’est ce qu’on a appelé la bénédiction des votes ! Il n’en a pas fallu davantage pour obtenir du sénat le vote d’une enquête parlementaire, — et remarquez que, dans la commission qui a été nommée pour procéder à cette enquête, on n’a pas eu même la simple équité d’admettre un représentant de l’opposition, de la minorité. De sorte que, pour quelques détails insignifians, on suspend la représentation sénatoriale de toute une contrée et on va agiter un département, soulever des passions, troubler peut-être les consciences, pour se mettre à la recherche de preuves qu’on n’a pas contre une élection jugée jusqu’ici régulière. — D’un autre côté, il y a l’élection du département de l’Eure. Ici on n’est pas réduit tout à fait à des présomptions, à des bruits. Il y a eu, non pas la bénédiction des votes, mais la distribution des faveurs officielles. M. le ministre des travaux publics, imitant fidèlement les circulaires impériales, a écrit, à la veille des élections, pour annoncer la concession d’un chemin de fer qui s’était fait longtemps attendre. Ce n’est pas tout : il y aurait eu une irrégularité à peu près constatée, à Bernay, dans la désignation des délégués sénatoriaux, et la question de légalité était soumise au conseil d’état. N’importe ! le sénat, selon les purs républicains, ne pouvait s’arrêter pour si peu. M. le ministre des travaux publics n’a fait que son devoir en distribuant à propos la manne électorale, — toujours comme sous l’empire ; Il n’y avait point à s’inquiéter de l’arrêt du conseil d’état, qui devait être prononcé deux jours après. On ne pouvait pas même attendre l’impression du rapport sur l’élection. Il fallait se hâter d’en finir, de fermer la porte à M. le duc de Broglie, qui, par le fait, n’est plus sénateur, et qui trouvera peut-être dans les travaux de l’esprit un dédommagement que beaucoup de membres du sénat n’ont pas.

Ainsi, sévérité outrée dans l’élection du Finistère, complaisance ou indulgence pour tous les abus dans l’élection de l’Eure, partialité violente ou puérile dans les deux cas, c’est là le dernier mot. Qu’espère-t-on gagner avec ces procédés ? Les républicains du Luxembourg ont cru peut-être se populariser en montrant leur zèle ; ils n’ont montré qu’une chose, c’est que le niveau parlementaire a peut-être assez sensiblement baissé, depuis les élections dernières, au Luxembourg. Le sénat n’a pas vu qu’en cédant du premier coup à des conseils de parti, il sortait de son rôle d’impartialité modératrice, il avouait sa faiblesse et ne faisait que donner une arme de plus à ceux qui veulent toujours l’atteindre dans son autorité, dans son indépendance et même dans son existence.

Une révision constitutionnelle a été accomplie non sans peine et sans bruit, il y a quelques mois, pour donner une vie nouvelle, tout