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nous montrer, que, jadis, il n’a pas volé ses nominations en discours latin ? De quoi se plaint-il donc, et que signifie cette dédicace de cet autre livre : « A tous ceux qui, nourris de grec et de latin, sont morts de faim ? » Nous allons le savoir.

Il se plaint que la société, qui fait des bacheliers, ne leur fasse pas des rentes, et que les succès de collège ne classent pas les hommes pour la vie : en haut les forts en thème et les cancres en bas. En lui donnant des prix, on l’avait proclamé supérieur à ceux qui n’en recevaient point ; on lui devait de lui continuer le respect de cette supériorité ; en ne le faisant pas, on lui faisait banqueroute. « Je me croise à chaque instant avec d’anciens cancres, — c’est lui qui souligne, — qui ne s’en portent pas plus mal. Ils n’ont pas du tout l’air de se souvenir qu’ils étaient les derniers dans la classe. Ils sont entrés dans l’industrie, quelques-uns ont voyagé ; ils ont la mine dégagée et ouverte. Ils se rappellent que je passais pour l’espoir du collège. » Pour l’espoir du collège ! .. Et son étonnement devient de la colère, et son amour-propre blessé se tourne en une haine sauvage, à mesure qu’il apprend de la vie qu’un prix de version latine ou de thème grec, n’étant pas la mesure unique de la capacité des hommes, n’est pas celle non plus de leur succès. Car alors à quoi bon cette « latinasserie ? » ces complimens quand il était le premier ? ces fanfares au jour de la distribution des prix ? On se moquait donc de lui s’il y a d’autres forces en ce monde que celle de l’intelligence ? Et quel était le sens de cette révolution fameuse, qui n’avait aboli ni le pouvoir de la naissance, ni celui de la fortune acquise, ni celui de l’honorabilité continuée de père en fils, ni celui de l’esprit de conduite, ni celui seulement du travail et de la volonté ? Si c’en était le temps, — je veux dire s’il s’agissait d’un autre personnage, plus digne de sympathie, — j’aimerais à montrer là le point faible et le vice du système de notre éducation classique. Uniforme, égalitaire, n’ayant pas plus d’égard à la diversité des conditions qu’à l’inégalité naturelle des aptitudes, je ne pense pas qu’il y en ait une plus propre à faire des « Réfractaires » et des « déclassés, » parce que je n’en vois pas qui donne, à la jeunesse une idée moins exacte, plus fausse et plus décevante surtout de la réalité de la vie. Mais la question est de celles que l’on ne saurait trancher ni traiter en passant, Et, dans le cas d’un Vallès, quelques reproches que l’on puisse faire à ce système d’éducation, j’aime mieux dire que, souvent heureux en ses effets, il ne produit ses pires conséquences qu’autant qu’il opère sur une nature foncièrement immorale, mauvaise et dangereuse.

On a bien souvent essayé, dans le temps où nous sommes, d’obscurcir, de brouiller le sens de ces vieux mots. On affecte donc volontiers de croire et peut-être croit-on, pour l’avoir entendu répéter à