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GUILLAUME DE HUMBOLDT
ET
CHARLOTTE DIEDE

Il n’est personne en Allemagne qui ne connaisse un ouvrage posthume de Guillaume de Humboldt intitulé : Lettres à une amie. Publiées pour la première fois en 1847, douze ans après la mort de l’homme considérable à qui on vient d’élever un monument en face de l’Université de Berlin, ces lettres firent sensation ; on n’a cessé depuis lors de les rééditer, elles ont pris place dans toutes les bibliothèques[1]. C’est le seul livre de Guillaume de Humboldt qui ait pénétré dans le grand public. S’il n’avait pas eu une amie, quelque chose aurait manqué à sa gloire : il n’aurait pas été lu des femmes.

Tout le monde savait que Humboldt avait été un homme d’état, un diplomate, qu’il avait représenté plus d’une fois la Prusse auprès des cours étrangères, qu’il avait signé avec le prince de Hardenberg le traité de Paris et que, sans avoir jamais joué les premiers rôles, il s’était fait remarquer au congrès de Vienne par la netteté et la vigueur de son esprit, par son talent pour la discussion, par la sévérité de sa politesse, assaisonnée d’une ironie froide et tranchante. On savait aussi qu’après avoir quitté les affaires, ce diplomate avait consacré le reste de sa vie à la science, qu’incomparable philologue, ses recherches sur la langue basque, ses lettres sur le génie de la langue chinoise et son introduction à l’étude du kawi avaient

  1. Briefe an eine Freundin, von Wilhelm von Humboldt. Elfte Auflage. Leipzig ; Brockhaus, 1883.