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que bien souvent, quoique la négative ou le doute résulte des données qu’on allègue, c’est par une affirmative, discrète il est vrai, que les bollandistes concluent.

Les exemples abondent dans nos volumes de cette incohérence entre les prémisses et les conclusions. Voici, par exemple, un article consacré à S. Asterius. Au 21 du mois d’octobre, le Martyrologe romaine porte cette note à son sujet : Aux bouches du Tibre, S. Asterius prêtre et martyr qui, comme on le lit dans la passion du pape Calliste, souffrit sous l’empire d’Alexandre Sévère. À cette même date du 21 octobre, en marge : an 222. — Les bollandistes après une longue et subtile discussion sur le jour inconnu, en effet, de la mort de ce personnage, écrivent très sagement : De S. Asterius on ne sait pour ainsi dire rien. Puis, à la fin du commentaire, que cet aveu n’a pas abrégé, on lit en façon de résumé : Ce qui paraît certain sur S. Asterius, c’est qu’il fut l’un des quarante prêtres qui, avec le pontife, administraient alors l’église de Rome, qu’il ne se mêla pas alors aux partis qui divisaient les fidèles, mais demeura attaché à Calliste ; que, celui-ci ayant été dans une émeute populaire précipité en bas de sa maison par une fenêtre et de là dans un puits, Asterius recueillit son corps déchiré et l’ensevelit honorablement ; que pour cela il fut saisi et jeté d’un pont dans le Tibre, dont les flots le portèrent à Ostie. — Voilà bien des détails circonstanciés sur un personnage qu’on déclare inconnu. Mais d’où viennent-ils ? Ils sont ou gratuitement supposés, comme ce qui regarde son rôle dans les controverses qui alors agitaient l’église, ou tirés des seuls Actes de Calliste, qui ne valent rien.

De même, à propos de l’évêque Abercius (22 octobre), on voit les bollandistes défendre avec une complaisance extrême des actes qui ne sont qu’un pur roman. Je sais que l’éloge est maigre de dire de cette pièce tirée des légendes de Métaphraste « qu’elle vaut mieux que sa réputation, » mais si l’on veut prendre le soin de lire cette histoire, et se souvenir qu’elle est rapportée aux premières années du règne de Marc Aurèle (167), on ne trouvera pas trop sévère le jugement qu’en porte le sage Tillemont.

De même, dans l’article d’Ursule et des Onze mille vierges, auquel nos bollandistes consacrent deux cent quarante longues pages[1], la fermeté de la critique laisse grandement à désirer. C’est un vieux conte des bords du Rhin. Les bollandistes savent que sur ce sujet l’appréciation est libre, et cette liberté, dans les premières pages de leur étude, ils la revendiquent, mais ils en usent peu. Ils concèdent, il est vrai, que les compagnes d’Ursule n’étaient pas

  1. Act. SS. t. IX d’octobre, p. 75 à 314.