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d’apparitions ni de guérisons surnaturelles opérées en prison pour prix de la foi, ni de conversions en masse de prisonniers et de geôliers, ni de temples ou d’idoles qui s’écroulent d’eux-mêmes sur un mot ou après un signe. On a là, en revanche, les indices qui trahissent les compositions artificielles, totalement ou partiellement apocryphes.


III

Sur ces divers points, les bollandistes anciens et nouveaux sont d’accord avec les maîtres de la critique laïque. Dans l’appréciation des Actes ils montrent qu’ils n’ont nul goût pour le merveilleux. A leurs yeux, comme à ceux des libres savans, la valeur historique des actes des martyrs est en raison inverse de la place qu’y tient le miracle, si bien que ceux où il y en a le plus leur paraissent les plus suspects. C’est ainsi qu’à propos des Actes d’un certain Maximus d’Aquila, ils écrivent : « Le caractère fabuleux de cette pièce ressort des seuls prodiges dont elle fourmille. » Et de même au sujet des Actes d’un certain Macarius, Romain, ils disent : « Tout ce qu’on trouve dans cette histoire n’est guère plus sérieux que l’antre d’Éole, les ruisseaux de vin, les fleuves de lait et le reste. »

Ils savent aussi bien que les plus sévères les bonnes méthodes et les justes règles de la critique historique. « Quand nous essayons, dit le P. Van Hecke, d’expliquer et d’éclaircir les actes des saints, nous ne nous attachons qu’à une chose, c’est à présenter comme certain ce qui est certain, comme douteux ce qui est douteux et comme faux ce qui est faux. » Et ailleurs ils écrivent : « En matière d’histoire ecclésiastique, il y a deux écoles opposées, celle des affirmatifs et des crédules à outrance qui acceptent tout complaisamment et les yeux demi-clos, et s’inclinent sans résistance devant les récits les plus invraisemblables. Ceux-ci nuisent à la cause de l’église qu’ils croient défendre et compromettent la foi qu’ils prétendent fortifier. A l’autre extrémité, les sceptiques sans mesure et les négatifs de parti-pris, dont l’érudition subtile et vétilleuse excelle à obscurcir les faits les plus clairs et à embarrasser les plus simples. Notre institut s’est constamment étudié à éviter ce double excès de la crédulité et du scepticisme, et à tenir en juste équilibre la balance de l’histoire de manière qu’elle ne fléchisse ni à la puérilité des fables ni aux prétendues difficultés de l’érudition[1]. »

Peut-être souhaiterait-on qu’on s’expliquât plus clairement sur

  1. Act. SS. , t. XII d’octobre, p. 200-201.